Cet article date de plus de trois ans.

Agnès Buzyn devant la Cour de Justice de la République : le sénateur Bernard Jomier pointe "un risque de judiciarisation de la vie politique"

Agnès Buzyn était ministre de la Santé au moment du déclenchement de la crise sanitaire du Covid-19. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
L'ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn lors de son audition par la commission d'enquête sur le coronavirus au Sénat le 23 septembre 2020. (DANIEL PIER / NURPHOTO)

Agnès Buzyn est convoquée à 9 heures 30 vendredi 10 septembre au matin devant la Cour de Justice de la République pour une possible mise en examen au sujet de sa gestion de la pandémie lorsqu'elle était ministre de la Santé. "Attention à ne pas juger le passé au tribunal du présent", met en garde sur franceinfo Bernard Jomier, médecin généraliste, sénateur, apparenté PS, de Paris et ancien rapporteur de la commission d’enquête sénatoriale sur la gestion de la crise sanitaire, en 2020.

franceinfo : La Cour de justice de la République est-elle dans son rôle ?

Bernard Jomier : Dans le cadre actuel de la Constitution, oui bien sûr puisque les responsables politiques, quels qu'ils soient, doivent répondre de leurs actes dans toutes les dimensions. La Cour de justice de la République veut comprendre l'enchainement des faits dans la gestion de crise. Agnès Buzyn était ministre de la Santé, il est normal et quasiment banal qu'elle soit convoquée pour s'expliquer.

Vous avez aussi auditionné Agnès Buzyn avec la commission du Sénat pour comprendre ce qu'il s'est passé. La commission a-t-elle relevé des fautes pouvant, pour vous, donner lieu à des poursuites ?

La difficulté est de faire la part entre ce qui relève de la responsabilité politique et de la responsabilité judiciaire. La responsabilité politique est rendue devant les électeurs, ce sont eux les juges de l'action politique des élus. La responsabilité judiciaire c'est la justice. Il y a une frontière qui est difficile à tracer. Pour notre part, nous avons constaté, après des travaux importants, une audition longue, l'examen de nombreux documents, qu'Agnès Buzyn a eu une intuition précoce. Elle a très vite compris fin 2019, début 2020, qu'il se passait quelque chose de grave avec ce virus. Elle a alerté le Premier ministre et le chef de l'Etat tôt au mois de janvier et il y a un décalage entre ces alertes précoces et la mise en marche de l'appareil d'Etat.

Cela signifie-t-il donc que, si défaillance il y a eu, ce n'est pas forcément celle d'Agnès Buzyn ?

Tout à fait. C'est une question complexe. Pourquoi un appareil d'Etat se met-il en marche ou non ? Cela résulte du passé, des expériences vécues auparavant. Tout le monde se rappelle de la grippe H5N1 où il avait été reproché à la ministre de la Santé à l'époque d'en faire trop. Il y a ces expériences passées et puis vous avez le contexte. Attention à ne pas juger le passé au tribunal du présent. Il faut toujours se remettre dans le contexte. Je rappelle que le 10 janvier 2020, l'Organisation mondiale de la Santé disait, "ce virus ne se transmet pas entre les êtres humains". C'était une faute, c'était d'ailleurs, on le sait maintenant, un mensonge téléguidé par la Chine mais le contexte était donc celui-là.

Si Agnès Buzyn est mise en examen tout à l'heure, cela changera-t-il quelque chose à la façon dont on fait de la politique en France ?

Je pense d'abord que cela entrainera d'autres mises en examen. Mise en examen ne veut pas dire condamnation, un certain nombre de personne ont été mises en examen devant la Cour de justice de la République, elles ont été blanchies, relaxées, elles n'avaient pas commis de fautes, de délits ou de crimes. Que la Cour de justice de la République démarre une enquête, c'est normal. D'autres mises en examen auront certainement lieu car d'autres responsables politiques ont été en fonction depuis. Il y a un risque de judiciarisation de la vie politique dans notre pays. Il faut trouver un bon équilibre entre le fait que nous, responsables politiques, devons des comptes aux électeurs et à la justice, et dans le même temps, il ne faut pas paralyser la capacité à agir et à prendre des décisions.

Cela vous semble être le cas avec ces 18 390 plaintes déposées auprès du parquet de Paris depuis le début de la crise sanitaire ? Parfois ce sont de simples copié-collé que l'on trouve en quelques clics sur internet.

Je rappelle qu'il y a un filtre à la Cour de justice de la République. Toutes les plaintes ne débouchent pas sur une procédure. La qualité de ce filtre est importante. En tant qu'ancien rapporteur de la commission d’enquête sénatoriale sur la gestion de la crise sanitaire, en tant maintenant que président de la mission Covid du Sénat, je suis sans cesse l'objet, comme mes collègues, de plaintes.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.