Cancers colorectaux mal dépistés : "Il y a un tabou parce que le test est fécal"
"Aujourd'hui il faut manipuler les selles, ce qui n'est absolument pas naturel pour une partie de la population", a expliqué mercredi sur franceinfo le professeur Robert Benamouzig, chef du service gastro-entérologie de l’hôpital Avicenne (AP-HP) de Bobigny (Seine-Saint-Denis).
Si 60% des cancers du sein sont diagnostiqués à un stade précoce en France, les cancers du côlon et du rectum le sont moins souvent, selon un rapport inédit de Santé publique France et de l'Institut national du cancer publié mercredi 25 avril. "Il y a un tabou, parce que c'est digestif et aussi, parce que le test est fécal", a déclaré sur franceinfo, le professeur Robert Benamouzig, chef du service gastro-entérologie de l’hôpital Avicenne (AP-HP) de Bobigny (Seine-Saint-Denis). "Aujourd'hui, insiste-t-il, il faut manipuler les selles ce qui n'est absolument pas naturel pour une partie de la population." "Contre cela, on lutte par de l'information (…) il faut qu'on explique que ce n'est pas grand-chose de piquer une fois une selle" car "un petit cancer de colon on en guérit, un cancer avancé on va en mourir", avertit le médecin. Seuls 47% des cancers du rectum sont diagnostiqués à un stade précoce, c'est à dire lorsque le cancer reste encore localisé et limité. Les chiffres tombent à 44% pour les cancers du côlon.
franceinfo : Les cancers du sein sont bien mieux détectés que les cancers colorectaux en France, selon l’Institut National du Cancer et Santé Publique France. À quoi est-ce dû, selon vous ?
Robert Benamouzig : Il y a un tabou, parce que c'est digestif et aussi, parce que le test est fécal aujourd'hui. Il faut manipuler les selles ce qui n'est absolument pas naturel pour une partie de la population. Contre cela, on lutte par de l'information, par des améliorations technologiques, car le nouveau test qui date d'environ un an et remplace un ancien est extrêmement amélioré. En mettant une petite spatule dans ses selles une fois on va détecter 70% des cancers colorectaux à un stade précoce. Il y a un tabou à casser. Il y a un travail scientifique qui consiste à trouver un jour un test sanguin une simple prise de sang mais en attendant, il faut qu'on explique que ce n'est pas grand-chose de piquer une fois une selle.
Y-a-t-il un réel déficit d'informations sur ces cancers colorectaux ?
Il y a un déficit d'informations pour casser le tabou. Il ne faut pas parler de ça en disant que c'est naturel d'aller tripoter la selle. C'est un tabou et pour sauver des vies, on doit parfois casser un tabou. On a aujourd'hui un corps médical qui est un peu épuisé pour des raisons de numerus clausus, par la tâche. Le médecin généraliste dans le système français est en première ligne et comme il est en première ligne sur tous les fronts ça ne marche pas comme on le souhaiterait. Il faut donc élargir le champ des acteurs, et recourir à des informateurs professionnels. Il y a des expériences pilote en cours, pour augmenter le taux de participation [des patients au dépistage]. Ce n'est pas impossible. Il y a des pays comme la Hollande qui ont obtenu 70% de participation. C'est deux fois que ce qu'on fait en France il n'y aucune raison qu'on n'y arrive pas.
L'insuffisance de dépistage du cancer du rectum et du colon vient du fait que le cancer est une maladie qui fait peur. Les gens n'ont pas envie de savoir, c'est le principal frein ?
Ça c'est une vraie erreur, car en réalité quand on découvre un cancer tôt on n'en meurt quasiment jamais or quand c'est fait tard, les malchances de mourir sont énormes. Un petit cancer de colon on en guérit, un cancer avancé on va en mourir. Les décisions ne sont pas faciles mais elles sont assez logiques. Nous avons pourtant en France une des meilleures organisations en France, alors qu'on a un taux de participation [des patients au dépistage] relativement modeste, ce qui est paradoxal. Il y a quelque chose qui tient à la psychologie d'un peuple latin. D'où l'information pour casser les freins. Dans l'ensemble, je pense que l'information sur les cancers est nettement meilleure. Les gens commencent à appréhender les choses plus facilement. Le terme, chimiothérapie, n'est plus tabou, idem pour la chirurgie, mais le but du dépistage c'est d'éviter tout cela, c'est de ne jamais avoir recours à la chimiothérapie ou à la radiothérapie, c'est d'arriver bien avant au moment où il n'y a presque rien à traiter.
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