Les mystères du mésentère, présenté comme un nouvel organe du corps humain
Le mésentère pourrait être classé dans la liste des organes de l'anatomie humaine. Mais on ne vient pas de le découvrir. Voici ce que l'on sait de lui.
Il s'appelle le mésentère. Ce mot scientifique (qui vient du grec mesenterion) désigne le repli du péritoine qui relie les portions de l'intestin grêle (le jéjunum et l'iléon) à la paroi postérieure de l'abdomen. Vous suivez ? En clair, c'est une membrane de la cavité abdominale qui permet aux intestins de se maintenir à leur place.
Retenez bien son nom : le mésentère pourrait désormais apparaître dans la liste des organes du corps humain inscrite dans la bible de l'anatomie humaine, Anatomy of the Human Body d'Henry Gray, le fameux Gray's Anatomy. C'est un article du professeur irlandais John Calvin Coffey, publié en novembre 2016 dans The Lancet Gastroenterology & Hepatology (en anglais), qui le met en lumière, comme le relaie l'université de Limerick (Irlande). Des médias américains ont repris l'information mardi 3 janvier et The Lancet a tweeté l'article mercredi.
The #mesentery as an organ in its own right: its structure, function, and role in #gastrointestinal disease https://t.co/A21oa8vetk #free pic.twitter.com/yNMHswVLoD
— Lancet Gastro & Hep (@LancetGastroHep) 4 janvier 2017
Est-ce que c'est nouveau ?
Eh bien non ! On ne vient pas de découvrir le mésentère : son existence est connue depuis de nombreuses années. Léonard De Vinci est un des premiers à en avoir parlé, au XVe siècle, selon Futura Sciences et Mashable. L'organe est aussi représenté sur des planches d'anatomie dessinées par Henry Vandyke Carter dans la première moitié du XIXe siècle, et publiées dans Gray's Anatomy en 1858.
Il est donc faux de dire que le corps humain possède un tout nouvel organe (comme l'avance Science Alert, par exemple). Néanmoins, pour John Calvin Coffey, "la description anatomique qui avait été établie, pendant 100 années d'anatomie était incorrecte". "Cet organe est loin d'être fragmenté et complexe, c'est simplement une structure continue", explique-t-il dans son article. Toutefois, cet article ne présente pas d'avancée scientifique. C'est plutôt une synthèse de toutes les informations connues sur le mésentère.
Mais au fait, ça sert à quoi ?
Pour comprendre comment fonctionne le mésentère, médecins et scientifiques ne manquent pas de métaphores. "Cette membrane est accrochée à un côté de l'intestin, comme un drapeau (le mésentère) serait accroché à un mat (l'intestin)", décrit Gérard Eberl, responsable de l'unité Micro-environnement et immunité à l'Institut Pasteur, contacté par franceinfo. Il compare aussi le mésentère à "une grande gare dont les nombreuses voies convergent de l'intestin vers le foie et l’aorte". Ces voies permettent principalement la transmission de nutriments vers d'autres organes et à travers le corps.
"Le mésentère est comme une pieuvre qui protège les vaisseaux pour permettre la circulation du sang", renchérit le professeur Laurent Beaugerie, chef du service de gastro-entérologie à l'hôpital Saint-Antoine à Paris. "C'est un organe nourricier, d'échange, explique-t-il à franceinfo. Comme une gaine anatomique, qui protégerait la connectique entre les gros vaisseaux et les tubes digestifs." Ainsi, le mésentère fait le lien entre le péritoine, qui tapisse les viscères dans la grande cavité abdominale, et l'aorte.
Est-ce qu'on peut vraiment dire que c'est un organe ?
"Un organe, par définition, a des fonctions spécifiques", rappelle de son côté Laurent Beaugerie. "Le mésentère est donc un organe. De plus, il peut être touché par des maladies : il existe la fibrose, le cancer et le lymphome du mésentère, et donc, à cet égard, c'est un organe", poursuit-il.
Mais le débat n'est pas clos. Selon Allo docteurs, il manque encore certains éléments pour que le mésentère soit officiellement requalifié en tant qu'organe. Il faut que la continuité du mésentère soit confirmée par d'autres recherches, car l'indépendance structurelle est l'un des critères qui permet de distinguer les organes les uns des autres. Il faut également qu'une ou plusieurs fonctions spécifiques lui soient reconnues par la communauté scientifique.
"Après, est-ce qu'on inclut ou pas les vaisseaux quand on parle de mésentère ? C'est un autre débat", relève Laurent Beaugerie. Et d'ajouter : "Qui n'a aucun intérêt, de mon point de vue." Pour lui, le seul intérêt, c'est d'étudier le mésentère à travers sa fonction de "réservoir graisseux". Un tissu qui peut participer, dans une certaine mesure, à l'excès de graisse au niveau du ventre (la "bedaine"), mais qui a, plus gravement, un rôle dans les maladies inflammatoires de l'appareil digestif, comme la maladie de Crohn.
Le professeur de l'hôpital Saint-Antoine à Paris, auteur d'un livre sur cette maladie, souligne que les recherches sur le sujet sont loin d'être nouvelles : "Elles ont commencé il y a plus de cinquante ans." "C'est bien qu'une individualité s'intéresse au mésentère, mais les recherches ne vont pas révolutionner la médecine", insiste-t-il. Lui plébiscite les recherches sur le microbiote intestinal, tout aussi en vogue, mais bien plus prometteur du point de vue de la médecine.
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