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La multirésistance microbienne pourrait nous ramener à la situation prévalant avant la découverte de la pénicilline

Des chercheurs réunis à Boston pour la 50e conférence de l'ICAAC, congrès sur les maladies infectieuses, craignent que l'assèchement de la recherche et du développement de nouveaux antibiotiques ne nous ramène au début du XXe siècle.Ils alertent sur la résistance aux antibiotiques qui pourraient provoquer une crise sanitaire mondiale.
Article rédigé par France2.fr avec agences
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Une chercheuse sur des antibiotiques à Anvers 13/08/10 (AFP Jorge Dirkx)

Des chercheurs réunis à Boston pour la 50e conférence de l'ICAAC, congrès sur les maladies infectieuses, craignent que l'assèchement de la recherche et du développement de nouveaux antibiotiques ne nous ramène au début du XXe siècle.

Ils alertent sur la résistance aux antibiotiques qui pourraient provoquer une crise sanitaire mondiale.

La conférence a souligné "le nombre énorme de cas (de multirésistance) pour lesquels nous n'avons plus aucun antibiotique efficace dans notre arsenal pour les traiter", un phénomène observé dans les pays riches comme dans ceux en développement.

Selon Gary Noel, du laboratoire américain Johnson and Johnson, il y a probablement aujourd'hui moitié moins d'antibiotiques en développement que dix ans auparavant. Et parmi "les quelques molécules à l'étude potentiellement capables de neutraliser les agents microbiens multirésistants aux antibiotiques et prêtes à être utilisées pour traiter des malades ne seront pas sur le marché avant au plus tôt deux à quatre ans".

Pour surmonter cette crise de la recherche et du développement de nouveaux antibiotiques, il faut une nouvelle approche qui ne soit plus fondée seulement sur le modèle du retour sur investissement, a expliqué Mme Theuretzbacher du Centre des agents anti-infectieux à Vienne. Selon elle, "les pouvoirs publics devraient octroyer davantage de fonds pour combler le déficit des investissements privés aux premiers stades de la recherche et du développement" des antibiotiques.

Selon elle, les choses devraient commencer à bouger car la gravité de la situation est désormais reconnue au plus haut niveau politique, comme l'indique la déclaration conjointe des Etats-Unis et de l'Union Européenne à l'issue de leur sommet en novembre 2009 créant un groupe de travail pour répondre "au problème urgent de la résistance microbienne".

Une nouvelle super-bactérie venue d'Inde inquiète les chercheurs
L'émergence dans le sous-continent indien d'un pathogène résistant aux antibiotiques et qui s'est déjà propagé à la surface du globe est une bombe à retardement requérant une mobilisation immédiate des autorités sanitaires, insistent des spécialistes des maladies infectieuses lors de ce colloque à Boston.

"Il y a urgence à mettre en place un système de surveillance international dans les prochains mois et à tester tous les patients hospitalisés" dans le plus grand nombre de pays possible, a expliqué lundi le Dr Patrice Nordmann, de l'Hôpital Bicêtre (près de Paris). "Ces mesures ont déjà été décidées en France et sont très sérieusement envisagées au Japon, à Singapour et en Chine", rappelle-t-il.

"Pour l'instant, on ne connaît pas encore la rapidité d'expansion du phénomène (...), mais ce qui est certain c'est que ça va se diffuser", prédit le Dr Nordmann, comparant la situation à "une bombe à retardement", vu l'énorme réservoir que représente pour ce pathogène les 1,3 milliard d'habitants du sous-continent indien.

Ce "super-pathogène", en fait un gène appelé NDM-1 (New Delhi metallo-lactamase-1) résistant à la plupart des antibiotiques, est apparu en Inde, au Pakistan et au Bangladesh et s'est depuis diffusé un peu partout sur la planète depuis 2007.

Contrairement à nombre de pathogènes multirésistants apparus ces vingt dernières années, comme le staphylocoque doré résistant à la méthicilline (SARM), le gène du NDM a été repéré dans d'autres bactéries totalement différentes.

"Ce gène a ainsi sauté dans des espèces bactériennes se trouvant normalement dans le tube digestif humain et qui peuvent provoquer des infections pulmonaires et urinaires", ajoute le médecin, qui déplore que l'OMS n'ait pas créé d'observatoire pour détecter les résistances microbiennes.

Animation sur la résistance aux antibiotiques.

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