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La France pourrait être contrainte d'ouvrir le don du sang aux hommes homosexuels

L'avocat général de la Cour de justice européenne estime que l'homosexualité ne justifie pas l'exclusion permanente du don du sang, comme c'est le cas en France.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Un homme donne son sang à l'EFS de l'hôpital Saint Louis, à Paris, en 2006. (B. BOISSONNET / BSIP / AFP)

C'est un combat de longue date pour les associations de défense des droits des homosexuels : avoir le droit de donner leur sang. Considérérés comme une population "à risques", les hommes qui ont eu ou ont des relations homosexuelles sont exclus du don du sang en France. Mais l'avocat général de la Cour de justice européenne, estime, jeudi 17 juillet, que cette mesure n'est pas totalement justifiée. Explications.

Qui est exclu du don du sang en France ?

Le droit français exclut du don de sang, de manière permanente, les hommes qui ont eu ou ont des rapports homosexuels, quelle que soit l'ancienneté du rapport. Ils entrent ainsi, selon l'arrêté du 12 janvier 2009, dans la même catégorie que les personnes dont le partenaire est atteint d'une maladie sexuellement transmissible, des patients suivant certains traitements, des personnes ayant eu plusieurs partenaires au cours des quatre derniers mois, des consommateurs de droge par intra-veineuse…

Pourquoi une telle exclusion ?

L'Etablissement français du sang fonde l'interdiction sur une directive européenne datant de 2004, qui prévoit que "les personnes dont le comportement sexuel les expose au risque de contracter des maladies infectieuses graves transmissibles par le sang sont exclues de manière permanente du don de sang". Des exclusions temporaires sont aussi prévues.

La France justifie sa position en expliquant que "la proportion d’individus vivant avec le VIH parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes serait 65 fois plus élevée que dans le reste de la population", détaille Yagg. En outre, les tests de dépistage ne sont efficaces que 12 jours après une éventuelle contamination. Cette "fenêtre silencieuse", selon le gouvernement français, justifie une exclusion définitive et non temporaire.

L'homosexualité masculine serait donc perçue par la loi française, comme un comportement à risques. "La règlementation française tend à considérer ce fait comme une présomption irréfragable d'exposition à un risque élevé, indépendamment des conditions et de la fréquence des rapports ou des pratiques observées", explique l'avocat général, dont les avis sont la plupart du temps suivis par la Cour.

Pourquoi est-elle contestée ?

Un Français a attaqué l'Etablissement français du sang (EFS), en 2013, devant le tribunal administratif de Strasbourg, car son don avait été refusé en raison de son homosexualité, raconte Yagg. Le tribunal a donc saisi la Cour européenne, afin de savoir si une telle exclusion permanente était "compatible" avec le droit de l'UE. 

Dans ses conclusions, l'avocat général considère que "le seul fait pour un homme d'avoir eu ou d'avoir des rapports sexuels avec un autre homme ne constitue pas un 'comportement sexuel' qui justifierait l'exclusion permanente d'un tel homme du don de sang". "En excluant de manière définitive du don de sang tout homme ayant eu ou ayant des rapports sexuels avec un autre homme, la réglementation française introduit une évidente discrimination indirecte fondée, de manière combinée, sur le sexe (les hommes) et sur l'orientation sexuelle (l'homosexualité et la bisexualité)", détaille-t-il.

Existe-t-il une solution pour réduire les risques à néant ?

Oui. L'EFS a la possibilité de conserver les poches de sang pendant 45 jours après les prélèvements et d'effectuer les tests nécessaires. L’avocat général recommande donc de placer en quarantaine les poches le temps que la "fenêtre silencieuse" se referme, afin de les soumettre aux tests. L’avocat général s'appuie sur le rapport du député Olivier Véran remis à la ministre de la Santé Marisol Touraine, en 2013 : "Les experts s’accordent à dire que la mise en quarantaine systématique du plasma, associée au dépistage virologique, permettrait de neutraliser tout risque de transmission virale." Une solution jugée "optimale" par l'avocat général.

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