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"Implant files" : pour l'eurodéputée Michèle Rivasi, "on ne peut pas laisser le contrôle sanitaire à des organismes privés"

Franceinfo vous révèle lundi que contrairement aux médicaments, les implants médicaux sont validés par des organismes privés qui n'appliquent pas de réglementation suffisamment stricte. Un laxisme qui peut parfois être dangereux.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
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Michèle Rivasi, députée européenne Europe Ecologie Les Verts, le 24 octobre 2016 près de Lyon. (PHILIPPE DESMAZES / AFP)

Considérés comme des marchandises, les implants médicaux sont soumis à une réglementation européenne qui permet toutes les dérives. Contrairement aux médicaments, les dispositifs médicaux sont validés par des organismes privés et souvent sans faire l’objet de longs essais cliniques et d’une réglementation stricte. C'est ce que révèle l'enquête "Implant Files" menée par le consortium international de journalistes d'investigation (ICIJ) à laquelle participe la cellule Investigation de Radio France, en partenariat avec 58 autres médias, dont Le Monde. Invitée de franceinfo lundi matin, l'eurodéputée écologiste Michèle Rivasi, a été co-rapporteur  sur les dispositifs médicaux pour le Parlement européen. Elle estime "qu'on a pris un risque énorme parce qu'on ne peut pas laisser le contrôle sanitaire à des organismes privés". 

franceinfo : Ce sont donc des organismes privés qui certifient les implants médicaux ? 

Michèle Rivasi : Ces organismes de certification certifient aussi bien des voitures que des machines à laver ou des pacemakers. Ça demande donc une compétence qu'ils n'ont pas. On est dans le même cas de figure que les constructeurs automobiles : ce sont eux qui font les évaluations et ensuite, ils cherchent un organisme de certification qui n'est là que pour faire de l'argent et qui va leur donner leur certification alors qu'ils n'ont même pas eu accès au dispositif.

Dans 96% des cas, les organismes valident sans aucun contrôle. Est-ce que pour vous on a pris un risque avec la santé des Européens ?

On a pris un risque énorme. C'est inconcevable. Lorsqu'on pose un implant à l'intérieur du corps, que ce soit des prothèses ou des pompes à insuline, on ne peut pas laisser le contrôle sanitaire à des organismes privés ni aux fabricants. On a bien vu que souvent, l'auto-évaluation des industriels n'est absolument pas à la hauteur de la sécurité sanitaire que les gens attendent. C'est vraiment très grave et j'avais prévenu : attention, vous privilégiez l'économie au détriment de la santé.

Qu'est-ce que vous dites aux Français qui portent un implant et s'inquiètent de ces révélations ?

Ils ont de quoi s'inquiéter, il faut donc qu'ils voient leur chirurgien. Il y a aussi un problème au niveau de la France. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) devrait donner l'autorisation au niveau des dispositifs médicaux qui sont vendus en France, ce qu'elle ne fait pas suffisamment. Par ailleurs, il existe un registre des données [le registre qui doit recenser les incidents relatifs aux dispositifs médicaux] et on s'aperçoit que ce registre n'est pas suivi. Il y a des alertes sur lequelles ils ne font pas d'enquête. Regardez ce qu'il s'est passé sur les malformations des enfants qui naissent sans bras et sans mains : on a vu que nos registres ne fonctionnaient pas.

Que préconisez-vous ? 

C'est assez grave : on dirait que sur le marché, il faut toujours l'innovation, le dernier produit, mais on n'a pas toutes les études cliniques pour savoir si, lorsque l'on vous fait une prothèse de hanche ou une prothèse de genou, il n'y a pas des matériaux qui vont provoquer des allergies. Pour Essure, par exemple, qui est un contraceptif définitif, on s'est aperçu que le nickel provoquait des allergies chez les femmes qui avaient reçu cet implant. Il faut vraiment remettre les pendules à l'heure. Quand il y a des alertes, il faut qu'elles soient suivies d'enquêtes pour savoir le pourquoi du comment. Il faut qu'il y ait des organismes. Si on n'a pas pu obtenir un organisme certification unifié au niveau de l'Europe, il faut qu'en France toutes les agences évaluent correctement. 

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