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Pénurie de soignants à l'hôpital : il faut instaurer une "régulation à l'entrée des urgences", propose Mathias Wargon, médecin urgentiste

Les urgences "paient le reste du système, c’est le pilier qui tenait le reste de la voûte" et il "est en train de s’effondrer", a alerté le chef des urgences de l'hôpital Delafontaine à Sant-Denis.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Mathias Wargon, médecin urgentiste, chef des urgences de l'hôpital Delafontaine à Saint-Denis, était jeudi 26 mai l’invité du 8h30 franceinfo.  (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

"Comment on va faire pour tenir cet été ? Et puis à plus long terme, sur le court terme et sur le moyen terme ?", s'interroge jeudi 26 mai sur franceinfo Mathias Wargon, médecin urgentiste qui dirige les urgences et le SMUR (service mobile d'urgence et de réanimation) de l'hôpital Delafontaine à Saint-Denis, face à la pénurie de soignants à l'hôpital. Sa solution : "réguler l'entrée des urgences", comme c'est le cas depuis le 18 mai au CHU Pellegrin à Bordeaux.

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En France, de nombreux services d'urgences doivent fermer partiellement, notamment la nuit, faute de personnel soignant. Aux urgences de l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis où travaille Mathias Wargon, "on fonctionne avec la moitié de notre personnel paramédical". L'urgentiste plaide depuis plusieurs années pour une régulation à l'entrée des urgences, comme "ça se fait dans pleins de pays", assure-t-il, ce qui permettrait de se concentrer sur les patients les plus critiques. "La démagogie dit : 'On ne va pas réguler, n'importe qui peut y aller'. Mais pourquoi n’importe qui peut profiter d'un système ?, s'interroge-t-il. Vous ne pouvez pas rentrer n'importe où à moindre coût. Ce n'est pas possible. On est en train de péter le système par démagogie."

Réguler l'entrée aux urgences "dès cet été"

Selon Mathias Wargon, il faut instaurer la régulation à l'entrée des urgences "dès cet été", et pour cela, il faudra aussi former du personnel soignant pour faire un tri des patients. "Et puis il va falloir expliquer aux gens que non, tout n'est pas gratuit, l'hôpital n'est pas gratuit, les urgences c’est pas gratuit, ça ne l'a jamais été", affirme le médecin urgentiste, qui en appelle au "civisme" des patients. L'hôpital, "c'est un service public", mais "c’est pas Amazon", dit-il.

La pénurie de soignants à l'hôpital est due, selon Mathias Wargon, aux "conditions de travail". "On n'arrive pas à recruter", affirme le médecin urgentiste, qui estime qu'il faut augmenter les salaires et revoir les "perspectives de carrière". En trente ans, "on est passé de trop de médecins à pas assez de médecins, et on n'a pas envisagé que les gens allaient changer de façon de vivre", analyse-t-il.

"Le médecin qui bosse 80 heures par jour, qui meurt à 65 ans de son infarctus et qui ne connait pas sa famille, c'est terminé, assure Mathias Wargon. Les gens, ils veulent bosser comme le reste de la population". Un problème exacerbé aussi à l'hôpital, où le personnel soignant travaille aussi la nuit et le week-end, sans parfois connaître son planning à l'avance. "Personne ne propose rien pour les urgences, personne n’a de solution réelle", déplore l'urgentiste. 

"On nous dit ‘on va embaucher des gens’. Mais chez nous, les postes sont ouverts, il y a des primes. On ne trouve personne.”

Mathias Wargon

à franceinfo

"Tout ça n'a pas été anticipé", conclut-il. "On n'arrive pas à recruter et on ne retient pas" le personnel donc "l'ambiance est morose", assure Mathias Wargon. "Il y a des services qui ne pourront pas rester ouverts 24h sur 24 cet été".

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