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Panne massive des numéros d'urgence : ce que l'on sait de l'incident qui a perturbé le 15, le 17, le 18 et le 112

Les appels au Samu, aux pompiers et à la police ont été perturbés mercredi dans la soirée. Des numéros alternatifs ont été mis en place.

Article rédigé par franceinfo
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Une brigade des sapeurs-pompiers de Paris à l'entraînement, le 23 avril 2021. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Une panne d'ampleur. De 18 heures à minuit, mercredi 2 juin au soir, les numéros d'urgence du Samu, des pompiers ou de la police (le 15, le 17, le 18, le 112) ont été injoignables ou perturbés en France.

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L'opérateur téléphonique Orange a expliqué que ces perturbations étaient liées à "une défaillance logicielle" dans des "équipements critiques de réseau". L'opérateur avait précédemment évoqué un problème de routeur. Voici ce que l'on sait de ce qui s'est passé. 

Des perturbations massives constatées

Dès 18 heures, mercredi, des dysfonctionnements massifs ont été signalés partout dans le pays sur les différents numéros d'urgence : le 15, le 17, le 18 et le 112. Ils ont entraîné de grosses difficultés pour les services de secours. Cette panne sur un équipement chargé d'acheminer les appels a perturbé massivement l'accès aux numéros d'urgence – Samu, pompiers ou police – et aux lignes fixes jusqu'à minuit. 

"Très vite, on a fait un petit tour de France et on a constaté que presque tous les départements étaient touchés", explique François Braun, président du syndicat Samu-Urgences de France et médecin urgentiste. Surtout, "il y a un pic d'appels le soir vers 19 heures".

"Il devait être autour de 18 heures et tous les Samu ont commencé à alerter de problèmes dans les centres d'appels. Les gens ne parvenaient pas à accéder au service, des appels n'arrivaient pas, d'autres se coupaient en pleine conversation..."

François Braun, médecin urgentiste

à l'AFP

L'incident a affecté de manière "partielle mais significative la réception des appels d'urgence 15/17/18/112 sur l'ensemble du territoire national", a confirmé le ministère de l'Intérieur dans un communiqué. En Nouvelle-Aquitaine, comme dans de nombreuses autres régions, tous les départements ont été touchés par la panne mercredi soir. 

Au moins trois morts suspectes, des enquêtes ouvertes

Au moins trois personnes sont mortes pendant la panne des numéros d'urgence, ont rapporté les services de l'Etat. Ces trois décès ont été constatés dans le Morbihan, en Vendée et sur l'île de La Réunion.

Un homme souffrant d'une "maladie cardiovasculaire" est mort dans le Morbihan, faute d'avoir "pu joindre les services de secours à temps" à cause de cette panne, a annoncé le ministre de l'Intérieur, une information confirmée par la préfecture du Morbihan. Selon France Bleu Armorique, la femme de cet homme ne parvenait pas à joindre le Samu et a finalement décidé de le transporter en voiture jusqu'à l'hôpital de Vannes, où il est mort. Le parquet de Vannes a ouvert une enquête judiciaire. Une enquête administrative avait déjà été ouverte, à la demande de l'Agence régionale de santé (ARS) de Bretagne, dès la nuit de mercredi à jeudi.

L'Agence régionale de santé des Pays de la Loire va de son côté diligenter une enquête administrative après la mort d'un enfant de 28 mois, victime d'un arrêt cardio-respiratoire, jeudi matin en Vendée. Sa mère avait rencontré des difficultés à joindre les secours, a rapporté le directeur de l'ARS.

Par ailleurs, un homme est mort mercredi soir des suites d'un accident cardiovasculaire (AVC) sur l'île de la Réunion après les tentatives vaines de son épouse de joindre le 15, a rapporté la préfecture. Le ministre de l'Intérieur avait initialement évoqué, jeudi matin, un autre décès des suites d'une AVC sur l'île. Toutefois, ce dernier "ne semble pas lié à la qualité ou à la rapidité de la prise en charge par les secours", a précisé jeudi soir la préfecture.

Un retour à la normale progressif dans la nuit de mercredi à jeudi

Selon Orange, le retour à la normale a débuté à partir de minuit, mais le réseau restait "sous surveillance"  jeudi matin. Des difficultés à joindre les secours ont semblé persister par endroits, tôt dans la matinée. Dans les Bouches-du-Rhône, seul le 15 était toujours injoignable jeudi matin. Dans le Var, il était un peu compliqué jeudi matin de joindre l'ensemble des numéros, le 18, le 17 le 112 et le 15. 

Jeudi, à 13 heures, "l'ensemble du trafic sur les numéros d'urgence [était] normal" sur tout le territoire, selon le PDG d'Orange, Stéphane Richard. Toutefois, des perturbations locales ont encore été relevées, a appris franceinfo auprès du cabinet du ministre de l'Intérieur jeudi soir, mais une "nette amélioration de la situation" a été constatée. 

Des numéros alternatifs mis en place, disponibles au moins jusqu'à vendredi matin

Certaines préfectures, comme celles de la Dordogne et de la Creuse, ont conseillé mercredi soir de se rendre dans des permanences (casernes, gendarmerie, commissariat, centres hospitaliers). Mais ce sont surtout des numéros d'urgence alternatifs à 10 chiffres, fixes ou mobiles, qui ont été mis en place et diffusés sur les réseaux sociaux par les pouvoirs publics. La liste a été partagée par le ministère de l'Intérieur et vous pouvez la retrouver par ici (PDF à télécharger).

Au total, près de 400 numéros de contournement ont été mis en place rapidement, a assuré le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, lors d'un point-presse jeudi matin. Le gouvernement a décidé de maintenir ces numéros au moins jusqu'à vendredi matin, pour les personnes qui rencontreraient encore des difficultés à joindre un service d'urgence sur les numéros classiques.

Sur les réseaux sociaux, les préfectures et les pompiers avaient largement communiqué sur ces numéros. "Une panne affecte les numéros d'urgence", avait d'emblée prévenu l'Agence régionale de santé (ARS) d'Ile-de-France. "Si votre appel au 15 n'aboutit pas, renouvelez-le sans discontinuer (...). Ne saturez pas les lignes et n'appelez que pour des urgences établies". Elle avait ensuite, elle aussi, diffusé des numéros alternatifs.

L'opérateur évoque une "défaillance logicielle"

Le PDG d'Orange a évoqué jeudi sur TF1 "une défaillance logicielle" dans des "équipements critiques de réseau", c'est-à-dire des plateformes chargées d'acheminer des appels, pour tenter d'expliquer la panne. Il ne s'agit "certainement pas [d']une attaque", a assuré Stéphane Richard. L'opérateur avait précédemment parlé d'un "incident technique sur un équipement de type routeur qui achemine le trafic".

Interrogé par franceinfo, Christophe Prudhomme, médecin au Samu93 et porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France, a dit sa "grande colère", estimant que "cet incident était prévisible".

"Depuis de nombreuses années, nous insistons sur le fait qu'avec la multiplication des opérateurs, la libéralisation des télécommunications, nos systèmes ne sont pas sécurisés. D'autre part, ils ne sont pas dimensionnés à la hauteur de ce qu'on souhaite."

Christophe Prudhomme, médecin urgentiste

à franceinfo

Pour ces numéros d'urgence, ajoute-t-il, "nous avons plusieurs opérateurs, quatre grands opérateurs, c'est très compliqué pour nous. Et l'Etat n'a pas pris ses responsabilités et n'a pas imposé à ces opérateurs des investissements pour assurer la sécurité des secours de la population. Aujourd'hui, le système téléphonique est piloté par informatique. On sait que l'informatique nous apporte de grands bénéfices, mais que ce sont des systèmes fragiles".

Le patron d'Orange convoqué

En déplacement en Tunisie, le Premier ministre, Jean Castex, a appelé jeudi à "tirer toutes les conséquences" de cette panne survenue chez l'opérateur Orange. "C'est une affaire significative que nous avons prise au sérieux", a expliqué le chef du gouvernement devant des journalistes. "J'ai immédiatement demandé qu'une inspection soit diligentée pour connaître l'origine de cette défaillance", a précisé le Premier ministre, déplorant des "dysfonctionnements graves" dont "évidemment il faudra tirer toutes les conséquences".

Le ministre de l'Intérieur a de son côté rappelé que ces numéros d'urgence "sont importants pour nos concitoyens". Le 15, le 17 et le 18 représentent au total "plus de 150 000 appels par jour". Le président directeur général d'Orange, Stéphane Richard, a été convoqué au ministère de l'Intérieur jeudi matin pour s'expliquer sur cette panne, a précisé Gérald Darmanin.

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