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Faut-il avoir peur de "Klebsiella pneumoniae", la bactérie résistante qui se répand dans les hôpitaux européens ?

Cette bactérie est présente naturellement dans l'intestin humain. Mais dans certains cas, elle est devenue résistante aux antibiotiques et peut se propager dans d'autres parties du corps, où elle peut se révéler dangereuse.

Article rédigé par franceinfo
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Une représentation de la bactérie "Klebsiella pneumoniae".  (SCIENCE PHOTO LIBRARY / KKO)

Elle a un nom plutôt barbare : Klebsiella pneumoniae. Cette bactérie, qui peut être très résistante aux antibiotiques, se propage dans les hôpitaux européens, selon une étude publiée le 29 juillet dans la revue Nature Microbiology (article en anglais).

Classée parmi les 12 "agents pathogènes prioritaires" résistants aux antibiotiques, selon l'Organisation mondiale de la santé (PDF, en anglais), elle est considérée comme une menace à prendre au sérieux. Franceinfo fait le point sur ce qu'il faut savoir de cette bactérie. 

C'est quoi cette bactérie ? 

Klebsiella pneumoniae est inoffensive lorsqu'elle se trouve dans les intestins de l'homme. "Elle est présente dans le tube digestif de tout le monde, précise Jean-Christophe Lucet, directeur du service Bactériologie, hygiène, virologie, parasitologie de l'hôpital Bichat, à Paris. Quand ces bactéries sont normales, elles sont très sensibles aux antibiotiques." 

Pourtant, certaines de ces bactéries sont très résistantes. "En France, cela concerne moins de 1% de l'ensemble", explique Jean-Christophe Lucet. Dans ces cas précis, cette bactérie résistante devient dangereuse si elle pénètre dans le sang ou dans les voies respiratoires. "Lorsque le corps est malade, elle peut infecter les poumons et provoquer une pneumonie", explique la BBC (article en anglais). 

Cette bactérie résistante est surtout présente dans des pays du Sud, notamment le sous-continent indien. Mais aussi en Afrique. Les autorités sanitaires sud-africaines ont ainsi annoncé, en septembre 2018, la fermeture de plusieurs services d'un hôpital public de Johannesbourg, dont sa maternité, après la mort de six nouveau-nés victimes d'une infection rare par la bactérie Klebsiella pneumoniae. Situé dans l'est de la plus grande ville du pays, l'hôpital Thelle Mogoerane avait été confronté depuis juillet à une série de contaminations par cette bactérie.

Par ailleurs, l'étude montre que des pays du sud de l'Europe, notamment la Grèce et l'Italie, sont très touchés. En cause : la surconsommation d'antibiotiques, qui rend résistantes ces bactéries.

Où est-ce qu'elle prolifère ?

L'hôpital est le principal lieu où se propage cette bactérie, dévoile l'étude publiée dans Nature Microbiology, qui a été menée auprès de patients infectés au sein de 244 hôpitaux dans 31 pays concernés, étude la plus importante jamais menée sur la résistance aux carbapénèmes, une classe d'antibiotiques. "On se rend compte que la bactérie circule surtout à l'intérieur d'un hôpital et parfois entre des hôpitaux proches. Il n'y a pas vraiment de diffusion au niveau européen", analyse Jean-Christophe Lucet. Surtout, il ajoute qu'elle n'est pas "responsable d'infection en ville", hors des établissements hospitaliers. En France, la bactérie Klebsiella pneumoniae avait infecté, en 2011, 18 patients de l'hôpital privé Jacques-Cartier de Massy (Essonne) et provoqué le décès de trois patients, assure Le Parisien.

Le nombre de décès dus à Klebsiella pneumoniae est pourtant passé de 341 en Europe en 2007 à 2 094 en 2015. "Il est déjà préoccupant de constater 2 000 décès en 2015, mais le problème est que, si aucune mesure n'est prise, cela continuera à augmenter", s'alarme le docteur Sophie David de l'institut Sanger, un institut de recherche génomique, à la BBC. 

Quelles sont les mesures prises pour lutter contre sa propagation ? 

Le problème est connu depuis plusieurs années. "Les premières recommandations datent de 2006 et depuis des mesures ont été mises en place comme une attention particulière aux patients qui ont été hospitalisés à l'étranger [surtout dans les pays à risques] dans l'année passée", explique Jean-Christophe Lucet.

Dans ces cas-là, le patient est soumis à un écouvillon rectal, autrement dit un prélèvement au niveau du rectum avec un coton-tige, qui permet de déterminer si le patient est porteur de bactéries résistantes. "Si un patient est porteur à l'arrivée à l'hôpital, le placer dans des conditions d'isolement strictes. Enfin, s'il est porteur de bactéries résistantes, faire un dépistage des autres patients en contacts autour de lui", poursuite Jean-Christophe Lucet. 

"Nous pouvons non seulement retarder la propagation de ces agents pathogènes, mais aussi les contrôler avec succès", ajoute le professeur Hajo Grundmann, de l'université de Fribourg (Suisse), interrogé par la BBC. Dans le rapport du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies l'OMS pointe aussi un "besoin critique de recherche et développement de nouveaux antibiotiques qui cible la résistance à la carbapénème." 

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