Santé en France : "Notre situation est indigne d'un des pays les plus riches du monde", déplore Michel Cymes
Déserts médicaux, urgences surchargées, crise des vocations… A l'hôpital comme dans les cabinets, le secteur de la santé français fait face à une crise structurelle. Une situation qui inquiète et irrite Michel Cymes, qui présente avec Léa Salamé l'émission "Santé en France : l'état d'urgence ?". A la veille de sa diffusion, mardi 21 mars à 21h10 sur France 2 et sur france.tv, le célèbre médecin répond aux questions de franceinfo.
Franceinfo : Comment décririez-vous l'état du système de santé en France aujourd'hui ?
Michel Cymes : Je pense que la situation est indigne d'un des pays les plus riches du monde. Il est incroyable de penser que l'on fait partie des pays qui ont un droit de veto [au Conseil de sécurité des] Nations Unies, que notre médecine est considérée depuis des décennies comme la meilleure du monde, et que nous nous retrouvions aujourd'hui avec des centaines de milliers de personnes qui ne peuvent pas accéder à un médecin traitant alors qu'elles ont une maladie chronique. (...) La situation est absolument catastrophique, que ce soit dans le secteur libéral, dans les déserts médicaux, à l'hôpital, concernant le manque de vocations. Il est incroyable de ne pas avoir anticipé ce qui se passe aujourd'hui.
Cette crise aurait-elle pu être évitée ?
Si on avait évité de prendre une mesure aussi stupide que le numerus clausus [qui limite le nombre d'étudiants admis en deuxième année dans les filières médicales] en 1971, nous n'en serions pas là. N'y avait-il personne, à l'époque, pour mettre en parallèle la démographie médicale et la croissance démographique qui, elle, était prévisible ? Personne pour réaliser que nombre de médecins, qui ont besoin de 10 ans pour être formés, ne seraient plus là au moment où la population allait croître ?
On savait pourtant à l'époque que l'espérance de vie augmentait. On savait très bien que les gens allaient vivre de plus en plus vieux, et que les Français seraient donc plus nombreux. Mais on a décidé de ne pas augmenter le nombre de médecins. Il faudrait que certains politiques expliquent quel a été leur raisonnement.
Emmanuel Macron a supprimé le numerus clausus en 2020. Cela va dans le bon sens, selon vous ?
Oui, mais vous pouvez supprimer tout ce que vous voulez, il faut tout de même 10 ans au minimum pour former un médecin. Il reste donc 10 ans d'urgence. Il faut par ailleurs parvenir à rendre attractif ce secteur d'activité, car l'hémorragie d'infirmières à l'hôpital, par exemple, est vraiment catastrophique. Cela passe par une revalorisation salariale, mais il n'y a pas que cela : il faut que ces métiers retrouvent du sens, que ces infirmières puissent passer du temps avec chaque patient. Il faut pour cela augmenter les effectifs, car elles ne peuvent pour l'instant faire que de la paperasse ou du soin rapide, sans pouvoir faire preuve d'empathie envers les patients.
Comment réagissez-vous à la réduction du nombre de lits à l'hôpital public ?
Pour des raisons budgétaires a été mise en place la fameuse T2A, la tarification à l'activité. Cette méthode de financement des établissements de santé, qui repose sur la mesure et l'évaluation de l'activité effective des établissements, a foutu en l'air des tas de choses. Vous donnez un budget à un hôpital, qui n'a pas les moyens de payer les médecins. Donc, il faut fermer des lits. Car qui va s'occuper des patients ? Il n'y a pas assez d'infirmières et de médecins !
C'est la raison pour laquelle on fait appel à des médecins étrangers, moins bien payés que leurs collègues français.
Oui. Si les médecins étrangers travaillent dans un service hospitalier, c'est qu'ils sont compétents. Même si leurs diplômes ne sont pas reconnus en France, je ne vois pas pourquoi ils seraient moins bien payés que les autres. C'est complètement illogique, ce côté : 'Vous êtes médecin, mais comme vous venez d'Algérie, que votre diplôme n'est pas reconnu en France, vous êtes moins payé.'
Pourquoi cette émission est-elle importante, selon vous ?
Grâce au documentaire, qui sera diffusé au début de l'émission, nous aurons un état des lieux plutôt précis et assez terrible de la situation du système de santé en France. Mais on découvrira aussi qu'il y a des gens qui se bougent, comme ce couple de médecins généralistes qui officie encore dans une banlieue dite difficile. On se dit alors qu'il reste de l'espoir. Sur le plateau, à travers des témoignages de médecins, d'infirmières et de patients directement concernés, et en présence du ministre de la Santé, François Braun, on va essayer de trouver des solutions et d'avancer.
Face au ministre de la Santé, laquelle de vos deux casquettes (médecin et animateur) allez-vous privilégier ?
Ma position va être délicate lors de l'émission. Je suis à la fois co-animateur de l'émission et médecin. Mais c'est là que la complémentarité avec Léa Salamé, qui est une grande intervieweuse politique, et moi, qui ai vécu l'hôpital, sera importante. Je vais essayer d'être un intervieweur sans parti-pris, mais je n'ai pas à rester neutre. Si jamais des choses qui sont dites me choquent, je le dirai.
L'émission "Santé en France : l'état d'urgence ?", présentée par Léa Salamé et Michel Cymes, est diffusée mardi 21 mars à 21h10 sur France 2 et sur france.tv.
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