: Reportage Crise à l’hôpital : les soignants "n’ont malheureusement plus envie de se casser la tête pour 1 600 balles par mois", confie un infirmier
Sous la pluie, Audrey et Pauline prennent une pause. L'une est aide-soignante, l'autre infirmière au service rhumatologie d'un grand hôpital parisien. Au gouvernement, elles demandent déjà de travailler dans de bonnes conditions matérielles. "Il faut refaire les locaux, pointe Audrey. Nous, là, on colmate les fenêtres avec des draps", explique l’aide-soignante. "L’hiver, l’air passe et il faut qu’on mette des draps et des couvertures avec des scotchs et l’été, pendant la canicule, il faut qu’on mette un grand drap et les patients se plaignent", explicite Pauline, l'infirmière.
Au-delà du matériel, il faut aussi travailler beaucoup plus, pour pallier le manque de personnel, et tout cela, pour un salaire pas très attractif. "Au niveau infirmières, on aide quand-même nos aides-soignants, explique Pauline. Du coup, il faut qu’on fasse les deux métiers en même temps parce que sinon, la pauvre aide-soignante qui est toute seule pour dix patients, pour dix toilettes, elle ne s’en sort pas. Donc on se tape tout le travail pour 1900 euros nets par mois. C’est un peu juste", estime l’infirmière.
Une meilleure rémunération et être associés à la gouvernance
Des urgences débordées avec une triple épidémie hivernale dans un hôpital déjà exsangue, des généralistes en grève … L’amélioration des conditions de travail est au centre des attentes. François Braun, le ministre de la Santé, a promis des annonces sur la refondation du système de santé dès janvier. Pauline voudrait que les heures supplémentaires soient majorées à 100%, comme pendant le Covid, mais cette fois-ci en permanence. Les soignants aimeraient aussi une revalorisation pérenne du travail de nuit et des week-ends car la rémunération, c'est la clé pour Julien, infirmier en réanimation dans le même hôpital. "Douze ans après mon diplôme, je suis à 2 200 euros, confie-t-il. Effectivement, c’est le nerf de la guerre. Tant qu’on n’aura pas déjà cette reconnaissance salariale et aussi du travail qu’on fait, les gens n’ont malheureusement plus envie de se casser la tête pour 1600 balles par mois".
Hugo, interne en maladies infectieuses dans un autre hôpital parisien, souhaite, lui, que les soignants puissent être associés aux décisions de l'hôpital, "des médecins, des infirmiers qui pourraient dire : on veut plus d’infirmiers dans ce service parce que ce sont des patients plus lourds ou inversement, ce service n’en nécessite pas autant. On aurait finalement une meilleure prise en compte de ce que demandent les soignants".
Un collectif de plus de 5 000 médecins, soignants et agents hospitaliers a exigé récemment un horaire défini et un ratio maximal de patients par infirmière. Ce qui nécessiterait d'embaucher "environ 100 000 infirmières" sur trois ans. À eux seuls, les Hôpitaux de Paris veulent recruter 2 700 infirmières en 2023, et autant en 2024. Il faut dire qu'en quatre ans, les effectifs infirmiers de l'AP-HP, d'environ 17 000 en 2018, ont fondu de 10%, avec pour conséquence une proportion de lits fermés qui s'est aggravée. Les soignants ont donc un message pour le gouvernement : "Au boulot ! Que ça change ! Nous on est prêts à travailler mais qu’on nous donne les moyens".
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