Hôpitaux : "Le temps n'est plus à la parlotte, le temps est à l'action Monsieur Rousseau", réagit le porte-parole de l'Association des médecins urgentistes de France
"Le temps n'est plus à la parlotte, le temps est à l'action Monsieur Rousseau", réagit vendredi 18 août sur franceinfo Christophe Prudhomme, porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (Amuf), et délégué national CGT Santé, alors que le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, a affirmé vendredi que "l'hôpital fera face" à la vague de canicule qui touche la France.
franceinfo : Aurélien Rousseau a affirmé que "l'hôpital fera face", et que la situation n'est pas plus grave que l'an dernier. Que répondez-vous au ministre de la Santé ?
Christophe Prudhomme : Le seul propos avec lequel je suis d'accord dans son intervention, c'est le fait qu'il n'y a heureusement pas d'explosion des passages aux urgences. On peut espérer que comme d'habitude, on aura une augmentation modérée de l'activité - entre 5, 10, 15, 20% selon les sites - mais le problème, c'est qu'aujourd'hui, nous n'arrivons pas à prendre en charge correctement les patients, alors que l'activité reste modérée. On a des services d'urgences qui ferment la nuit, des files d'ambulances dans un certain nombre d'hôpitaux. Quand le ministre dit que le système est robuste, que les CHU compensent les difficultés des hôpitaux de proximité, il faut qu'il aille à Bordeaux : dans l'un des plus grands CHU de France, la situation est catastrophique !
On n'arrive pas à correctement prendre en charge les patients, et ça a une incidence. Le ministre dit qu'il n'est pas dans le déni, attention, Monsieur le ministre : nous constatons une hausse de la mortalité des patients. Vous ne pouvez pas être dans ce propos lénifiant.
"Nous sommes dans une situation de crise grave qui nécessite autre chose qu'un numéro vert, que des discours. Il faut passer à l'action, qu'on attend depuis très longtemps : on n'a aucune réponse à nos revendications posées depuis 2019".
Christophe Prudhommeà franceinfo
Les prochains jours vont être marqués par une forte canicule, cela vous inquiète-t-il ?
Nous sommes dans une période très difficile. Comme chaque été au mois d'août, de très nombreux lits sont fermés, cela entraîne des transferts parfois fort lointains. Or, un transfert pour une personne à 100 kilomètres, c'est une perte de chance qui se traduit pour les patients les plus graves par une surmortalité de 30%.
Aujourd'hui, il faut que le ministre prenne en compte le fait que depuis 2019, nous demandons que des mesures de formation massive des personnels soient prises, en supprimant Parcoursup dans les écoles professionnelles, notamment dans les écoles d'infirmières. Cela passe aussi par des contrats d'étude, pour que les étudiants soient payés pendant leurs études avec un salaire, et pré-affectés sur les postes. On demande aussi à ce que les restructurations actuelles des hôpitaux, qui se traduisent systématiquement par des fermetures de lits, soient remises à plat.
Nous demandons à ce que le tarif des gardes des médecins soit revalorisé, puisqu'en garde on est moins bien payé que la journée, que les heures supplémentaires sont moins bien payées que les heures normales à l'hôpital public. C'est une des raisons pour lesquelles un certain nombre de mes collègues démissionnent pour aller faire de l'intérim. Ce sont des choses concrètes sur lesquelles on n'a aucune réponse de la part du ministre.
Pour les prochains jours, y a-t-il certains endroits plus particulièrement sous surveillance ?
Dans les endroits où Météo France annonce de très fortes chaleurs, il faut que les personnes fragiles, mais pas que, soient raisonnables, ne s'exposent pas de manière déraisonnable à la chaleur, portent des vêtements adaptés. Il faut faire attention à la prise de certains médicaments, comme ceux contre l'hypertension artérielle ou qui traitent l'insuffisance cardiaque, demander conseil à son médecin.
On a fait des efforts sur la prise en charge des personnes âgées fragiles, mais chaleur et médicaments font très mauvais ménage, et il faut des conseils pour adapter les doses pendant ces périodes, pour éviter des malaises, des recours au Samu, aux pompiers ou des venues inutiles aux urgences. Dès qu'on a un doute, il faut appeler le 15.
Le problème du 15, c'est qu'on a aujourd'hui dans un certain nombre de centres 15 des délais de décroché incompatibles avec la qualité de service que l'on attend. Pour être très concret : quand on a 10 minutes de délai pour un décroché, si c'est pour de la fièvre, de la toux, ça peut attendre, mais un arrêt cardiaque ne peut pas attendre 10 minutes. Si on attend 10 minutes, ça se traduira par un décès et une mort évitable. Voilà à quoi mènent les dysfonctionnements des services d'urgence niés par Aurélien Rousseau, qui étaient niés par son prédécesseur.
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