"Depuis que je suis toute petite, mon handicap intrigue, fait peur ou surprend", raconte la journaliste non-voyante Laetitia Bernard
La journaliste témoigne dans un livre de son quotidien et plaide pour des aménagements afin de "banaliser le handicap".
"Le fait d'être aveugle projette des peurs", a témoigné mardi 4 mai sur franceinfo Laetitia Bernard. Aveugle de naissance, la journaliste de franceinfo se raconte dans un livre Ma vie est un sport d'équipe.
"Ma vie, c'est me déplacer, aller faire des courses, avoir des amis, faire la cuisine et avoir ce travail génial et passionnant", souligne Laetitia Bernard. Elle plaide pour des aménagements "pratico-pratiques" de l'environnement quotidien pour "banaliser le handicap dans le bon sens".
franceinfo : Pourquoi vous avoir voulu raconter votre histoire dans un livre ?
Laetitia Bernard : Parce que depuis que je suis toute petite, mon handicap intrigue, fait peur ou surprend. Et surtout, on me pose énormément de questions : comment tu rêves, comment tu peux envoyer un SMS, ta meilleure amie, elle est non voyante ? Et depuis que je fais ce métier de journaliste, je reçois énormément de messages de parents d'enfants en situation de handicap, de jeunes handicapés, qui me demandent des conseils pour retrouver un emploi. Je reçois énormément de questions, de témoignages où on me dit, aidez-nous. Je me suis dit, pourquoi je ne prendrai pas le temps de rédiger quelque chose pour partager mon expérience, pour témoigner, si ça pouvait servir à d'autres, et ouvrir la réflexion sur le handicap. On a l'impression que c'est une dimension parallèle d'être aveugle, que l'on vit sur une autre planète. En fait non. Ce que je voulais essayer de montrer, c'est que ma vie, c'est me déplacer, aller faire des courses, avoir des amis, faire la cuisine et avoir ce travail génial et passionnant. Mais comme le handicap, le fait d'être aveugle projette des peurs.
Dans votre livre, vous témoigner qu'il ne faut pas s'arrêter au handicap dans tout l'apprentissage que vous avez eu depuis toute petite.
J'ai la chance, depuis petite, d'avoir une famille qui m'aime énormément et qui m'a acceptée telle que j'étais très vite. J'ai toujours été entourée de voyants. Et les enfants, à deux ou trois ans, ne font pas cette distinction. Donc ils me donnaient la main pour courir dans la cour de récré. Point à la ligne. Il paraît que petite, à quatre ans, j'avais dit à mes parents que je voulais une mobylette quand je serai plus grande, puisque je trouvais sympa le bruit.
"Je n'avais pas réfléchi au problème que je ne pourrai pas conduire une mobylette. A quatre ans, on ne se rend pas compte. Du coup, cela crée un ancrage qui va faire que derrière, cela fait un bon moteur."
Laetitia Bernard, journalisteà franceinfo
Qu'est-ce qui bloque aujourd'hui, qu'est ce qui est vraiment le plus ennuyeux dans la vie de tous les jours, dans la façon dont notre société fonctionne pour qu'on avance sur ce sujet ?
Des aspects très pratico pratiques. Je pense au métro parisien qui n'est pas accessible pour les fauteuils roulants. Pour traverser les rues quand les feux ne sonnent pas, je ne suis vraiment pas à l'aise sur des grands carrefours. Ce sont des choses très pratico-pratiques qui nous permettraient d'intégrer plus facilement l'environnement, le paysage social. Des choses qui feraient que vous, quand vous allez acheter votre pain, vous voyez quelqu'un en fauteuil ou quelqu'un avec un handicap se balader et faire sa vie, cela banaliserait le handicap dans le bon sens. Pour moi, cela va vraiment être la possibilité de se déplacer, d'aller faire une chose simple. Et après, il y a tout ce qui est scolarisation, formation, possibilité de monter en compétences, de manière à pouvoir proposer quelque chose aussi au niveau des employeurs.
Ce qui parait aussi fou, c'est de vouloir faire de l'équitation et du saut d'obstacles. Vous l'avez fait. Vous avez été championne de France handisport de saut d'obstacles. Qu'est-ce qui fait que certaines choses sont possibles et pas d'autres ? Et comment se dit-on "je vais y arriver" ?
Je ne me suis pas dit que ce n'était pas possible. La mobylette, c'est le mauvais exemple, parce qu'il faut vraiment y voir. Encore que ! Parce que pour me montrer comment cela faisait, on avait pris un tricycle et accroché des cartons avec des épingles pour que cela fasse la pétarade. Ils m'ont dit 'non, on ne peut pas, mais qu'est-ce qu'on peut imaginer pour tu ais une idée de la chose' ? J'aimais les chevaux, ça m'attirerait. On a dit, voyons comment je pourrais monter à cheval ? Je n'ai pas dit tout de suite, je vais faire du saut d'obstacles. Au début, j'ai pris un cours particulier, j'étais tenue en longe. Un jour, je suis tombé sur une monitrice exceptionnelle qui aimait sauter, qui m'a considérée comme une cavalière à part entière, qui avait envie de me transmettre ça. Et elle a réfléchi et elle à adapter sa pédagogie et a dit je vais t'apprendre.
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