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Déconjugalisation de l'AAH : quatre questions pour comprendre ce qui change pour les personnes handicapées bénéficiaires de cette allocation

Elles peuvent désormais percevoir cette aide mensuelle sans que le revenu de leur conjoint soit pris en compte. L'AAH pourra être accordée à 80 000 nouveaux allocataires, estime la CAF.
Article rédigé par Pauline Paillassa
France Télévisions
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Un logo indiquant un trottoir accessible aux personnes en fauteuil roulant à Auch (Gers), le 19 mai 2023. (JEAN-MARC BARRERE / HANS LUCAS / AFP)

C'était une réforme attendue de longue date par les personnes en situation de handicap et les associations qui les représentent. Votée en août 2022, la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) entre en vigueur, dimanche 1er octobre. Désormais, les personnes en situation de handicap et en couple toucheront cette aide sur la base de leurs propres ressources. Le revenu de leur conjoint ne sera pas pris en compte pour déterminer si elles remplissent les critères d'attribution, ni pour calculer le montant qui leur sera versé chaque mois. "C'est une bonne nouvelle qu'on a attendue longtemps", résume auprès de franceinfo Arnaud de Broca, président du Collectif Handicaps, qui regroupe 52 associations. On vous explique le fonctionnement de cette aide, et ce qui va changer concrètement pour ses bénéficiaires.

1 Qu'est-ce que l'allocation aux adultes handicapés ?

Créée en 1975, l'AAH est destinée aux personnes en situation de handicap en âge de travailler qui ont des revenus modestes. Un adulte seul peut ainsi la percevoir s'il gagne moins de 11 656 euros par an, précise la Caisse d'allocations familiales (CAF).

Pour bénéficier de cette aide, il faut également attester d'un certain taux d'incapacité. Elle est garantie si celui-ci est de 80% ou plus, ce qui signifie que toute activité professionnelle est rendue impossible durablement à cause du handicap. Les personnes dont le taux d'incapacité se situe entre 50 et 79% peuvent aussi toucher l'AAH si leur handicap est identifié comme étant un frein pour l'accès à l'emploi, après un examen de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) référente.

Si ces conditions sont remplies, il est possible de percevoir cette aide à taux plein, ce qui correspond aujourd'hui à 971,37 euros par mois, ou à taux réduit, en fonction des revenus du bénéficiaire.

2Combien de personnes touchent l'AAH ?

En France, fin 2022, la CAF dénombrait 1 258 064 personnes bénéficiant de cette allocation. Depuis 2016, le nombre d'allocataires a augmenté de près de 140 000 personnes, ce qui représente une hausse de 17,5% en six ans.

La Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) notait déjà une augmentation du nombre de bénéficiaires entre 2011 et 2018. Elle avançait une piste d'explication : l'allongement de la durée légale de cotisation requise pour partir à la retraite. Décidé en 2014, il a conduit des personnes en situation de handicap approchant de l'âge de départ, qui auraient basculé vers le régime de retraite pour inaptitude, à travailler plus longtemps et à continuer de percevoir l'AAH. L'allocation peut être cumulée avec une pension de retraite, mais seulement si cette dernière n'atteint pas le montant maximum de l'AAH, soit 971,37 euros.

3Pourquoi avoir déconjugalisé cette aide ?

L'individualisation de l'AAH devrait garantir des revenus plus élevés et donc une meilleure indépendance financière aux personnes en situation de handicap. D'après les calculs du gouvernement, les bénéficiaires de cette réforme toucheront en moyenne 350 euros supplémentaires par mois.

L'ancien calcul de l'AAH, basé sur les revenus du foyer, renforçait la dépendance financière des personnes en situation de handicap vis-à-vis de leur conjoint. Certaines personnes pouvaient se voir cantonnées à un taux réduit, voire privées de cette allocation, en ne percevant pourtant aucun revenu propre.

Elles étaient alors placées dans une situation de dépendance vis-à-vis des revenus de leur conjoint, aux conséquences particulièrement graves dans les cas de violences conjugales. "Les femmes handicapées dont les ressources étaient diminuées pouvaient encore moins facilement s'extraire du foyer", souligne Arnaud de Broca. En 2014, un rapport de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, cité par le Sénat, estimait à 34% la proportion de femmes handicapées ayant subi des violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire, contre 19 % pour les femmes valides.

4Combien de personnes vont bénéficier de cette réforme ?

D'après la CAF, 80 000 personnes pourraient devenir éligibles à l'AAH grâce à sa déconjugalisation, et 40 000 personnes qui la touchent déjà, à taux réduit, verront le montant de leur allocation augmenter. En tout, ce sont donc 120 000 personnes qui bénéficieront de cette réforme. Ce nouveau mode de calcul devrait bousculer la répartition des bénéficiaires de l'aide : en 2022, la CAF recensait environ 497 000 allocataires à taux réduit et 761 000 à taux plein.

Si une personne en situation de handicap, déjà bénéficiaire de l'AAH, gagne davantage que son conjoint, l'ancien mode de calcul, plus avantageux, sera conservé, précise le gouvernement, qui a promis que cette réforme ne ferait "aucun perdant". Selon la CAF (lien vers un fichier PDF), 30 000 personnes éviteront ainsi une baisse de leur aide. En revanche, le calcul déconjugalisé s'appliquera à tous les nouveaux allocataires.

Aucune démarche n'est nécessaire pour les personnes bénéficiant déjà de l'AAH, à qui la CAF appliquera automatiquement le nouveau mode de calcul. En revanche, les personnes qui deviendraient éligibles à cette aide grâce à la réforme devront se manifester auprès de la CAF. Si la loi entre bien en vigueur le 1er octobre, le premier versement sur la base du nouveau calcul, correspondant aux droits du mois d'octobre, sera fait en novembre.

Toutefois, pour Arnaud de Broca, ce progrès ne doit pas masquer la situation "complexe" des personnes en situation de handicap : " La déconjugalisation de l'AAH est évidemment une très bonne mesure. Mais il y a quand même un sujet plus global sur les ressources et le pouvoir d'achat des personnes handicapées qui doit être abordé", conclut le président du Collectif Handicaps.

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