Mort-nés : un scandale sanitaire
Entre 2,4 et 3 millions de bébés sont nés sans vie en 2015, dont la moitié décédés lors de l'accouchement. Si ce fléau recule de 2% par an depuis l'an 2000, cette évolution reste plus lente que celle du taux de mortalité maternelle (3% par an) ou celle des enfants de moins de cinq ans (4,5%) sur la même période, comme le constatent les experts de l'Ecole de médecine tropicale et d'hygiène de Londres dans The Lancet.
D'après les données recueillies dans 18 pays, les anomalies congénitales n'expliquent que 7,4% des mort-nés, "dissipant le mythe selon lequel les mort-nés sont inévitables".
Environ 1,3 million d’enfants meurent durant l'accouchement, estiment ainsi les chercheurs. "L'idée qu'un enfant, vivant au début du travail, meure au cours des heures suivantes pour des raisons complètement évitables devrait être considérée comme un scandale sanitaire. Pour l'heure, il n'en est rien", déplore Richard Horton, le rédacteur en chef de The Lancet.
Comme le soulignent les auteurs des études, de nombreuses pathologies intervenant dans le décès des nourrissons à la naissance pourraient être traitées, à l'instar des infections maternelles (comme le paludisme et la syphilis responsables respectivement de 8% et 7,7% des mort-nés). Les facteurs liés au mode de vie ou à l'alimentation (obésité, tabac...), les maladies non infectieuses (comme le diabète, les cancers ou les problèmes cardiovasculaires) sont responsables de ces décès dans environ 10% des cas chacun. La pré-éclampsie et l'éclampsie (tension anormalement élevée pendant la grossesse) contribuent ensemble à 4,7% des mort-nés et les grossesses prolongées (après la date du terme) à 14%.
Taux record en Afrique subsaharienne
Une écrasante majorité des morts-nés (98%) est recensée dans les pays à faibles ou moyens revenus.
"Les pays d'Afrique subsaharienne ont le taux le plus élevé de mort-nés et ce sont eux qui enregistrent la diminution la plus lente, en particulier, dans les pays en conflit ou en état d'urgence", commente le professeur britannique Joy Lawn. Au rythme actuel, "plus de 160 années" se seront écoulées avant qu'une femme enceinte de cette région ait les mêmes chances de mettre au monde un enfant vivant qu'une femme d'un pays à revenu élevé, note-t-il.
Dans les pays riches, une femme vivant dans des conditions socioéconomiques précaires a par ailleurs environ deux fois plus de risques de mettre au monde un bébé sans vie qu'une femme aux revenus confortables. En Europe ou en Australie, le taux de mort-nés des femmes originaires d'Asie du Sud ou d'Afrique est en outre deux à trois fois plus élevé que celui des femmes blanches.
Une meilleure éducation, une réduction de la pauvreté ainsi qu'un meilleur accès aux soins avec un suivi pendant la grossesse pourraient ainsi réduire le nombre de mort-nés.
Au niveau mondial, c'est l'Islande qui a le taux le plus faible (1,3 pour 1.000 naissances) suivi du Danemark (1,7 pour 1.000). En queue de classement, le Pakistan avec 43,1 mort-nés pour 1.000 naissances (voir infographie).
Enfin, les chercheurs relèvent que les familles des bébés mort-nés sont encore trop peu prises en charge.
Pourtant, un an après la mort de leur bébé, 60 à 70% des mères des pays riches développent des symptômes dépressifs jugés sérieux. Dans la moitié des cas, ceux-ci perdurent quatre ans après la perte de leur nourrisson. Dans les pays pauvres, les mort-nés restent un sujet tabou et ne sont parfois pas considérés comme une personne à part entière.
Source : National, regional, and worldwide estimates of stillbirth rates in 2015, with trends from 2000: a systematic analysis. H. Blencowe, The Lancet Stillbirth Epidemiology Investigator Group et al. The Lancet, 18 janv. 2016 doi:10.1016/S2214-109X(15)00275-2
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