Cet article date de plus d'un an.

Faute de financements, 300 centres de santé infirmiers se disent "menacés de fermeture" à court terme

Ces structures de proximité de premier recours attendent depuis plus d'un an les financements promis par le gouvernement. La situation est dénoncée par quatre fédérations dans un communiqué publié mercredi 8 février.
Article rédigé par Capucine Licoys
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Sur les 500 centres de santé infirmiers français, 300 sont menacés de fermeture. (photo d'illustration) (FRANÇOIS DESTOC / MAXPPP)

"Si l'Etat ne tient pas ses promesses, le centre sera fermé d'ici le 1er juillet", explique Vincent Clochard d'une voix blanche. Le directeur d'un centre de santé infirmier (CSI) à Châtellerault (Vienne) compte demander un redressement judiciaire d'ici la fin de la semaine. Si la structure fermait, 350 patients pourraient se retrouver sans soins du jour au lendemain. 

La situation est dénoncée par quatre fédérations (Adédom, Una, ADMR, C3SI) dans un communiqué publié mercredi 8 février. Elles représentent 300 CSI (60% du nombre de centres en France), soit quelque 4 000 salariés. Elles rappellent l'existence d'un avenant entré en vigueur en octobre 2021, et signé par le gouvernement et les partenaires sociaux. Celui-ci prévoyait une hausse des salaires de 15% en moyenne dans la branche associative de l'aide à domicile, explique à franceinfo Hugues Vidor, directeur général de l'Adédom. "Les financements publics attendus ne leur parvenant pas", écrivent les fédérations, les CSI ont été contraints de "puiser sur leurs fonds propres pour revaloriser les salaires".

Ces structures à but non lucratif sont financées par l'assurance-maladie sur la base du nombre d'actes accomplis. Elles prodiguent des soins à domicile sans dépassement d'honoraires et sans avance de frais, et mènent régulièrement des campagnes de prévention. Les CSI sont notamment présents dans les déserts médicaux et les quartiers prioritaires, où les ressources financières des patients sont limitées. Par ailleurs, elles assurent une permanence au sein du centre chaque jour de l'année, offrant une continuité des soins aux patients. 

Un surcoût de 90 000 euros dans un centre en Ardèche

Alexis Marthouret dirige un centre de santé infirmier à Satillieu (Ardèche), où l'on compte trois médecins pour 1 000 habitants. Avec un déficit budgétaire d'environ 40 000 euros pour 2022, l'association pense mettre la clé sous la porte avant la fin de l'année.

Pour Vincent Clochard, la hausse des salaires sur fonds propres a engendré un surcoût de 90 000 euros la même année pour le CSI de Châtellerault : "On devrait avoir trois mois de salaire d'avance, on est à 0, s'alarme-t-il. On a plus de fonds propres, on a rien." Les deux directeurs partagent la même crainte : celle de laisser un trou dans la raquette dans l'accès aux soins, en pleine crise de l'hôpital public.

Pas de réponse de Matignon depuis un an

Les fédérations demandent que "les pouvoirs publics améliorent le circuit de financement" et "travaillent sur une clarification du fléchage des fonds". Ronan Eliot, directeur général de la Confédération nationale des centres de santé (C3SI), déplore un déséquilibre entre les charges salariales revalorisées, pour des actes dont les tarifs n'ont pas augmenté depuis dix ans. Il appelle le gouvernement à "s'asseoir autour de la table" et repenser le modèle économique des CSI. 

Contacté par franceinfo, le ministère de la Santé explique avoir "confié une mission à l'Inspection générale des affaires sociales sur ce sujet", et affirme qu'elle mène "des discussions régulières avec ces fédérations" dans le but d'instruire leurs propositions. Une aide d'urgence de 4 millions a été accordée le gouvernement en février 2022, via le Fonds d'intervention régional (FIR). Elle est jugée insuffisante par les fédérations, qui estiment à 11 millions le budget annuel nécessaire pour compenser "les fonds avancés par les associations". 

Le directeur général de l'Adédom, demande un nouvel effort à la hauteur de l'avenant 43 agréé par le gouvernement. "Les acteurs de la santé veulent un virage vers le domiciliaire, et on ne répond pas au besoin de ceux qui en font", souligne Hugues Vidor. Selon Ronan Eliot, entre 80 et 90% des actes assurés par le personnel des centres de santé infirmiers sont réalisés au domicile du patient. 

Le ministère de la Santé affirme que "l'opportunité de verser une aide en 2023 fait l'objet d'une instruction de la part des services des ministères concernés." Malgré ces promesses, de nombreux centres de santé infirmiers s'inquiètent pour leur avenir à court terme. "Tous nous disent qu'ils ne tiendront pas plus de six mois, déclare Hugues Vidor. Ce sera déjà trop tard."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.