Euthanasie : le cas difficile des maladies neurodégénératives
En 2016, aux Pays-Bas, une médecin exerçant en maison de retraite a euthanasié une femme atteinte de la maladie d’Alzheimer à un stade avancé. La patiente avait préalablement déclaré vouloir mourir si la maladie s’étendait trop, mais avait semblé émettre des doutes en pleine période délirante. La médecin, poursuivie en justice pour avoir "supposé que la dame voulait toujours mourir sans vérifier cela avec elle", a finalement été acquittée le 11 septembre. "Nous pensons que, étant donné l'état de démence profonde de la patiente, la médecin n'avait pas besoin de vérifier son désir d'euthanasie", a argumenté la juge.
"On ne peut rien imposer au patient"
Au-delà de ce cas particulier, la question de la fin de vie chez les patients souffrant de maladies neurodégénératives pose question. Quand bien même la personne aurait signé une directive anticipée signalant son envie de mourir une fois la maladie au plus haut, doit-on respecter ce vœu si le malade revient sur sa décision en pleine phase délirante, ou l’oublie ?
Pour Jean-Luc Romero, président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), la volonté de la personne au jour le jour devrait primer sur n’importe quelle demande antérieure. "Si la personne finit par s’opposer à l’euthanasie, même si elle n’a plus toute sa personnalité, on ne peut pas le lui imposer. Et le rôle des proches devrait être pris en compte" estime-t-il.
Il donne l’exemple de la Belgique, où l’euthanasie, légalisée depuis 2002, est uniquement pratiquée sur des personnes capables de manifester pleinement leur volonté. En France, pour le moment, aucune règle n’existe sur le sujet. La loi Claeys-Leonetti permet uniquement une sédation profonde et continue pour les patients en phase terminale jusqu’au décès.
96% des Français favorables à l’euthanasie
Jean-Luc Roméro milite depuis longtemps pour l’établissement d’une loi qui permettrait aux Français de mourir comme ils le souhaitent. Pour lui, établir des garde-fous est indispensable. "Cela permettrait de poser les conditions. Des affaires comme celle de la médecin néerlandaise, on en a huit ou neuf par an dans les pays ayant légalisé l’euthanasie ! Mais c’est une minorité. Et justement, la loi permet de les contrôler" développe le président de l’ADMD. En ce qui concerne les maladies neurodégénératives, toutefois, aucun système ne sera jamais parfait, concède-t-il.
Le projet de loi bioéthique n'aborde d'ailleurs pas la question de la fin de vie, alors même que 96% des Français se disent favorables à l’euthanasie, selon un sondage Ipsos publié en avril. Même les catholiques, pourtant réputés hostiles à cette idée, n’y sont pas particulièrement opposés : 72% des pratiquants y seraient favorables, comme 92% des non-pratiquants, rappelle Jean-Luc Roméro. Alors d’où vient le blocage ? "Il y a un décalage entre les responsables politiques et les Français. C’est comme une espèce d’accord entre le gouvernement et l’Eglise" déplore le président de l’ADMD.
Dans le cas de la médecin néerlandaise, le parquet – qui n’avait requis aucune charge mais souhaitait que la culpabilité soit reconnue – ne sait pas encore s’il va faire appel. Il estime que la praticienne aurait dû avoir une discussion "plus poussée" avec la patiente, pour s’assurer de son consentement jusqu’au bout.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.