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Électro-hypersensibilité : les antennes rendent-elles malades ?

Publié Mis à jour
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Article rédigé par La rédaction d'Allodocteurs.fr
France Télévisions
Au début de l'été, se référant à une expertise médicale, un tribunal de Toulouse a décidé d'attribuer à l'un de ces patients une "prestation de compensation de handicap". Une décision qui a été médiatisée à la rentrée, et présentée comme "la première reconnaissance en France de l'hypersensibilité aux ondes". L'Académie de médecine a mis en garde, ce 8 septembre, contre une interprétation "erronée voire fallacieuse" d'un jugement "indépendamment de toute argumentation scientifique".

Des souffrances incontestables

Les personnes qui se décrivent comme "électro-hypersensibles" manifestent des symptômes parfois violents – des maux de tête, des nausées, saignements de nez, démangeaisons – à proximité d'antennes relais, de réseaux wifi ou d'installations électriques. Certains fuient les villes vers des zones non couvertes par les télécoms, pour retrouver la tranquillité.

On entend souvent dire que les chercheurs et les médecins ne s'intéressent pas à ces patients. C'est tout le contraire : des chercheurs – parmi lesquels, beaucoup de scientifiques indépendants, sans liens d'intérêt avec l'industrie[1] – et des médecins, qui veulent soulager leurs patients, ont travaillé sur ce sujet depuis plus de trente ans… Car avant l'invention du wifi, il y avait déjà des personnes qui se disaient sensibles aux courants électriques, ou des installateurs d'antennes radio, qui exigeaient des études sur les risques du réseau hertzien[2]

Les premiers efforts scientifiques ont consisté à lister les signes cliniques des patients. Mais d'un groupe à l'autre, on observe des différences énormes dans les symptômes. Et s'il n'y a pas de symptôme vraiment spécifique à la maladie, cela n'empêche pas de constater la réalité des souffrances. L'Organisation Mondiale de la Santé résume le consensus sur ce sujet : ce syndrome "est caractérisé par divers symptômes non spécifiques qui diffèrent d'un individu à l'autre. Ces symptômes ont une réalité certaine et peuvent être de gravité très variable. Quelle qu'en soit la cause, l'électro-hypersensibilité peut être un problème handicapant pour l'individu touché."


[1] Certains dispositifs institutionnels élaborés ont été mis en place pour garantir que l’indépendance des chercheurs. Voir notamment : D.Coggon (2012) doi:  10.3109/00207454.2012.675377

[2] Voir par exemple Analysis of Occupational Exposure to Microwave Radiation. P. Czerski, M. Siekierzyński in Fundamental and Applied Aspects of Nonionizing Radiation pp 367-377

Un protocole de test simple

Du point de vue des patients, ces symptômes sont déclenchés par la proximité de téléphones, d'antennes. Mais sont-ce vraiment les ondes des réseaux de télécommunication (voir encadré) qui les rendent malades ?

Pour établir si des ondes électromagnétiques étaient ou non en cause, un protocole très simple a été proposé.

C'est ce que l'on appelle une "étude de provocation" : on se rend dans des zones sans réseau électrique – par exemple une cabane au fond d'un fjord[1] – ou dans des laboratoires spécialement isolés.

Là, le patient s'installe entre un émetteur et un récepteur, et doit dire si des troubles se manifestent. Mais au cours des tests, il ne sait pas si la machine est vraiment en marche. S'il exprime plus de troubles en présence d'ondes que lorsqu'il n'y en a pas, l'électro-hypersensibilité apparaît très vraisemblable.


[1] Voir Hypersensitivity symptoms associated with exposure to cellular telephones: No causal link. M. Hietanen et coll. 2002. doi :10.1002/bem.10016/abstract

Des symptômes surviennent... qu'il y ait des ondes, ou pas

Près de 2.000 patients ont été testés selon ce protocole. Or, jusqu'à présent, aucun patient n'a montré une capacité à distinguer un émetteur allumé d'un émetteur éteint, même au cours de tests très longs[1]. Pourtant des symptômes, parfois violents, apparaissent bien durant les séances. Mais ceux-ci surviennent... indépendamment de la présence d'ondes[2].

Quelques chercheurs ont déclaré avoir identifié des patients éléctrosensibles, mais soit le nombre d'essais est insuffisant pour conclure, soit les essais n'ont pu être reproduits[3]. Dans tous les tests reproduits dans des conditions contrôlées, on a les mêmes résultats, qu'il y ait des ondes ou pas.

De nombreux paramètres ont été étudiés. Seul un effet biologique est avéré : certains champs électromagnétiques peuvent faire varier des ondes cérébrales. Toutefois, l'effet est actuellement jugé superficiel, puisque les perturbations n'influent ni sur la qualité de sommeil, ni sur la vitesse de raisonnement…

La conclusion des synthèses d’études publiées jusqu'à ce jour est que les ondes électromagnétiques ne sont pas en cause dans les troubles ressentis par les patients. Pour cette raison, des chercheurs ont proposé de renommer ce syndrome : intolérance idiopathique environnementale attribuée aux champs magnétiques.


[1] Des séances de tests longues ne sont théoriquement pas nécessaires. En effet, dans environ 3 cas sur 5, les symptômes surviennent quelques minutes après la mise en présence d’un dispositif émetteur, et dans les heures qui suivent dans 1 cas sur 5. Les patients dont le tableau clinique correspond à un scénario de "saturation" sont une minorité. Voir Röösli et al., 2004 doi:10.1078/1438-4639-00269

[2] Voir notamment à Do people with idiopathic environmental intolerance attributed to electromagnetic fields display physiological effects when exposed to electromagnetic fields? A systematic review of provocation studies. G.J. Rubin et coll.  Biolelectromagnetics, 2011 doi:10.1002/bem.20690

[3] En 2013, une équipe a ainsi affirmé avoir reproduit des résultats sur le rythme cardiaque, avant de rétracter la publication, dû à de grossières erreurs d’analyse.

Quelles causes possibles à ces troubles ?

Au vu des données accumulées par l'ensemble des études de provocation, le principal déclencheur des troubles semble être la crainte que les ondes aient un effet sur la santé. C'est ce que l'on nomme l'effet nocebo. D'autres travaux, réalisés sur les lieux de vie même des malades[1], ont confirmé que l'intensité des symptômes n'est pas tant liée à la distance réelle avec les antennes, qu'à celle suggérée par les expérimentateurs.

Une illustration de ce phénomène a été donnée début 2009, dans les Hauts-de-Seine. Les membres d'une vingtaine de familles se sont plaints de troubles très violents (maux de tête, nausées, saignements de nez) depuis la fixation de trois antennes relais sur leur bâtiment. L’opérateur a été assigné en justice. Cependant, comme l'ont confirmé les enquêtes judiciaires, les antennes n’avaient pas encore été raccordées au réseau, et n’avaient jamais émis quoi que ce soit…

L'effet nocebo pourrait être accentué par d'autres facteurs. L’OMS note que ce syndrome a beaucoup de points communs avec des expositions à la pollution chimique. La mauvaise qualité de l'air, la pollution intérieure, ajoutées au stress dans l'environnement de vie, pourraient être des ingrédients du problème.


[1] Non-specific physical symptoms in relation to actual and perceived proximity to mobile phone base stations and powerlines. C. Baliatsas et col. BMC Public Health. (2011) doi:  10.1186/1471-2458-11-421

Qu'en est-il du jugement de Toulouse ?

Dans le cas du jugement rendu à Toulouse, aucun test de sensibilité aux ondes n'a été effectué. Le médecin qui a été mandaté est allé discuter avec la patiente durant plusieurs heures, et a constaté son isolement. Il a jugé qu'au vu de sa situation de dénuement, ses souffrances n'étaient pas simulées.

Insistons sur le fait qu'il s'agit d'un jugement rendu par un tribunal de contentieux. Celui-ci statuait sur une requête de la patiente, qui demandait une aide financière dans une situation handicapante, que nul ne conteste.

L'Académie de médecine a mis en garde ce 8 septembre "contre une interprétation erronée voire tendancieuse" de ce jugement, rappelant qu'il a été réalisé "indépendamment de toute argumentation scientifique".

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