"Hier, un enfant est mort. Il a été poignardé par un enfant lui aussi extrêmement vulnérable parce qu'ils ont été livrés à eux-mêmes dans un hôtel, sans aucun soutien, sans aucun soin !" Au lendemain de la mort de Jess, 17 ans, tué le 12 décembre 2020 par un autre adolescent placé dans un hôtel social de Suresnes (Hauts-de-Seine) Lyes Louffok criait sa colère devant l'Assemblée départementale des Hauts-de-Seine. Une centaine de travailleurs sociaux étaient alors rassemblés, partageant la même révolte."Un bon tiers des jeunes pris en charge" par l'ASE du 92 seraient relégués dans des hôtels Des professionnels de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) dénoncent depuis des années ces placements à l'hôtel, où les les jeunes sont livrés à eux-mêmes. Et parfois "oubliés", reconnaît l'une des éducatrices qui témoignent dans le second volet d'une enquête de "Pièces à conviction" sur les enfants placés, à voir le 27 janvier 2021. "On a une charge de travail tellement importante que, pour certains, si on arrive à les contacter une fois par semaine au téléphone, c'est déjà énorme." Dans les Hauts-de-Seine, ces placements en hôtels concernent, selon ces éducatrices, "un bon tiers des jeunes pris en charge, soit à peu près 600". Près d'un enfant sur trois confiés à l'Aide sociale à l'enfance du département serait donc relégué à l'hôtel, pour plusieurs mois, quand ce n'est pas plusieurs années. Pourquoi de telles décisions ?"Les coûts vont du simple au double : 75 euros à l'hôtel, 150 euros en foyer"Selon un cadre de l'ASE qui témoigne anonymement, elles seraient dictées par une logique budgétaire. "Les coûts vont du simple au double : 75 euros à l'hôtel, contre 150 euros dans un foyer", explique-t-il. Le système arrangerait certains hôteliers, qui, selon le même témoin, "s'organisent entre eux pour que leur hôtel ne soit jamais vide".Il s'agit pourtant d'un des départements les plus riches de France : les Hauts-de-Seine affichent chaque année plus de 500 millions d'euros d'excédent budgétaire, ce qui n'a pas empêché la réduction drastique des effectifs du pôle Solidarités depuis sa réorganisation en 2019. Cette éducatrice a ainsi vu son équipe passer de douze travailleurs sociaux à quatre, et son service privé de ses quatre psychologues. Ces choix créent les conditions d'un travail "dans l'urgence" qui rejaillit inévitablement sur le suivi des enfants, déplore-t-elle."Il est plus 'bankable' pour un département de construire des ronds-points que de protéger ses propres enfants""Il y a eu un mort, il y en aura certainement d'autres", prévient Lyes Louffok, après avoir rappelé d'autres "drames qui auraient pu être évités" : suicides, overdoses, prostitution... Cet ancien enfant placé qui est devenu un porte-voix pour les jeunes confiés à l'ASE dénonce le "désintérêt total de certains élus pour la question. Je pense qu'il est plus 'bankable' aujourd'hui de construire des ronds-points dans un département, parce que c'est visible de tous, que de protéger ses propres enfants".Extrait de "Enfants placés : que fait la République ?", une enquête à voir lors d'une soirée spéciale du magazine "Pièces à conviction" le 27 janvier 2021.> Les replays des magazines d'info de France Télévisions sont disponibles sur le site de Franceinfo et son application mobile (iOS & Android), rubrique "Magazines".