Précaires, essorés, mal reconnus, isolés : les assistants familiaux réclament une réforme en profondeur de leur statut
Alors que le projet de loi relatif à la protection de l’enfance est présenté en Conseil des ministres mercredi, avec notamment à la clef une rémunération minimale pour les assistants familiaux, ces derniers ne cachent pas leur lassitude.
Dans le jargon, on les appelle "Assfam" : les assistants familiaux sont environ 38 000 en France et accueillent à leur domicile les mineurs, jusqu'à 21 ans, confiés par l'Aide sociale à l'enfance. Mercredi 16 juin, le projet de loi "relatif à la protection de l'enfance" sera présenté en Conseil des ministres par Adrien Taquet, le secrétaire d'Etat chargé de l'Enfance et des Familles. Il entend revaloriser le statut de ces professionnels de l'enfance, notamment en garantissant une rémunération minimale, équivalente au smic. Pas forcément de quoi calmer les angoisses d'une profession sous tension.
Car bien sûr, il y a parfois un peu de colère, et des attentes fortes : la sécurité de l’emploi, un vrai statut de travailleur social, intégré dans les équipes de la protection de l'enfance. Mais, avant tout, c'est évidemment une question de vocation. "Nous avons des enfants qui arrivent chez nous détruits par leur vie personnelle, en les accueillant chez nous, on leur donne un cadre serein", explique ainsi Annick Moine, 54 ans, présidente de la Fédération nationale des assistants familiaux, elle-même assistante familiale dans l'Orne depuis 2015.
"On les soigne psychologiquement, mentalement. C'est cela qui m'a donné envie de faire ce métier."
Annick Moineà franceinfo
"Ce serait bien d'avoir un système de protection en cas d'informations préoccupantes, poursuit l’assistante familiale. Par exemple, vous avez un voisin qui vous en veut, il envoie un courrier calomnieux , sans signature, sans rien, pour dire : 'Mme Moine n'est pas gentille avec les enfants', on vous retire les enfants. Et dans ce cas, vous n'avez plus droit qu'à une indemnité de suspension, soit 480 euros." Le projet de loi entend corriger cette situation en maintenant un minimum de rémunération au niveau du smic. "Mais cela ne dure que quatre mois : au bout de quatre mois, ce sera la même chose…", soupire Annick Moine.
Le projet de loi prévoit de laisser la possibilité aux assistants familiaux de poursuivre leur activité après l'âge de 67 ans, pour éviter une éventuelle rupture dans la prise en charge des enfants. Les Assfam ont en moyenne 55 ans et le métier, vieillissant, peine à recruter. "Ce n'est pas un métier attractif, honnêtement, puisqu'il y a quand même une très grande précarité dans ce métier", avance Isabelle Santilli, 47 ans, assistante familiale dans les Ardennes depuis 2008.
"J'aurais Adrien Taquet devant moi, je lui demanderais de passer à mon domicile et de voir la charge de travail que l'on a, l'isolement pour certains."
Isabelle Santillià franceinfo
Isabelle Santilli réclame une réforme en profondeur du statut d'assistant familial, bien au-delà de ce qui est prévu dans le dernier projet de loi. "J'aimerais vraiment que ça bouge pour qu'on puisse aussi accueillir ces enfants qui restent dans leur famille faute de place aujourd'hui." Outre le statut des assistants familiaux, le texte ambitionne d’augmenter le taux d'encadrement dans les foyers, de renforcer la vérification des antécédents judiciaires des accompagnateurs, ou encore de garantir un cadre "serein et sécurisant" à ces enfants.
Il bannit en outre l'hébergement à l'hôtel, une décision qui fait suite au meurtre d'un adolescent dans un hôtel des Hauts-de-Seine, tué il y a 18 mois par un autre jeune placé dans cet établissement. Le projet de loi interdit donc ces placements hôteliers, sans encadrement adapté. Entre 7 000 et 10 000 mineurs sont concernés, dont 95% sont des mineurs étrangers isolés. L'accueil à l'hôtel restera malgré tout possible, sous réserve qu’il ne dépasse pas une durée de deux mois, en cas d'urgence ou le temps d'évaluer la minorité.
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