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Campagne "OK, pas OK" sur le consentement : "Ce qui se joue dans la sexualité reflète des inégalités de genre"

Nathalie Bajos, directrice de recherche à l'Inserm, réagit sur franceinfo au lancement ce mardi d'une campagne de Santé publique France à destination des jeunes sur le consentement sexuel.

Article rédigé par franceinfo
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Capture d'écran de la campagne "Ok, pas Ok", lancée le mardi 23 octobre 2018. (CAPTURE D'ECRAN / SANTE PUBLIQUE FRANCE)

Plus d'une femme sur dix a cédé aux avances de son partenaire lors de son premier rapport sexuel, selon l'agence sanitaire Santé publique France, qui lance mardi 23 octobre une campagne sur le consentement à destination des adolescents, nommée "OK, pas OK".

L'agence s'appuie sur des plusieurs témoignages, dont celui d'une jeune femme, Maria. "J'étais avec un garçon. On s'embrassait, et il poussait ma tête, petit à petit. Je lui ai demandé 'pourquoi tu me pousses', et il m'a répondu qu'il voulait que je lui fasse un bisou 'là'. Je lui ai dit que je ne voulais pas faire des choses comme ça pour l'instant. Mais pour lui faire plaisir parce que j'étais folle amoureuse de lui, j'ai dit 'bon d'accord' et que je lui ai fait une fellation."

Selon Nathalie Bajos, directrice de recherche à l'Inserm et responsable de l'équipe "Genre, santé sexuelle et reproductive", "ce qui se joue dans la sexualité reflète des inégalités de genre" dans la société.

franceinfo : Pourquoi est-ce important de se focaliser sur le premier rapport sexuel dans cette étude ?

Nathalie BajosOn se focalise de manière peut-être un peu arbitraire sur le premier rapport sexuel. Il est, en fait, souvent précédé de relations amoureuses, de baisers, de caresses des corps, et la question du consentement commence dès ce moment-là. Dès lors que la sexualité implique une autre personne, la question du consentement se pose. Les chiffres de cette enquête montrent que le consentement est loin d'être systématiquement acquis, d'autant que les chiffres cités sont des estimations minimales du phénomène. Il est toujours difficile de faire état de situations où on a été un peu forcé à avoir des rapports. Vu l'ampleur de ces chiffres, vu le fait que les filles sont davantage touchées que les garçons, il est important de donner aux jeunes, dès le plus jeune âge, les moyens de se poser des questions sur ce que veut dire "vouloir, ne pas vouloir".

Quelles conséquences ce premier rapport sexuel non consenti peut-il avoir sur la sexualité future d'une jeune femme ?

Dans les résultats de cette enquête, on voit que les personnes dans leur grande majorité pensent que les hommes auraient plus de besoins sexuels que les femmes. Ce qui ne correspond à aucune réalité, il faut le rappeler, ni biologique, ni hormonale, ni génétique. Dès l'entrée dans la sexualité, ces représentations contribuent à modeler les pratiques sexuelles et derrière c'est tout un scénario au fil de la vie qui va se prolonger avec des femmes qui, à tous les âges de la vie, vont déclarer beaucoup plus souvent avoir des rapports sexuels alors qu'elles n'en ont pas vraiment envie. Alors qu'on pourrait évidemment envisager un monde dans lequel les plaisirs et les désirs des personnes, qu'elles soient femme, homme, homosexuelle, hétérosexuelle, soient aussi légitimes les uns que les autres. 

L'étude s'arrête en 2016, pensez-vous que la situation a encore évolué après #Metoo et la récente vague de libération de la parole des femmes ?

Sans aucun doute, mais ce mouvement de libération de la parole ne date pas de #Metoo. Il date de la fin des années 1990 où les pouvoirs publics ont commencé à vraiment traiter cette question frontalement en faisant des campagnes, en relayant des résultats scientifiques. Depuis des années et des années, des tas d'associations luttent contre ces violences, et le fait que le pouvoir politique s'engage sur ce sujet, ça a provoqué, on l'a montré dans des enquêtes précédentes, une libération de la parole. Le mouvement #Metoo va à l'évidence amplifier cette question de la libération de la parole. Une fois que la parole est libérée, il faut l'écouter, il faut accompagner les femmes, et il faut opposer une réponse juridique à ces comportements qui sont passibles de peines de prison. Le viol est un crime, il faut le rappeler.

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