Fumer pendant la grossesse modifie l'expression de plus de 6.000 gènes chez le foetus
L’expression des différents gènes de notre notre ADN dépend de nombreux facteurs, parmi lesquels divers marqueurs qui favorisent leur transcription. Des modifications au niveau de ces marqueurs sont dites "épigénétiques" : elles ne modifient pas les gènes eux-mêmes, mais bien leur possibilité d’être décodés de façon optimale, et donc de synthétiser les molécules indispensables au développement et au fonctionnement de notre organisme.
L'étude publiée ce 31 mars dans l’American Journal of Human Genetics, a porté sur 6.685 femmes enceintes et leurs enfants [1], dans divers pays. Elle a permis d’identifier, le long de l’ADN fœtal, de très nombreuses modifications épigénétiques directement liées à la consommation de tabac. Ces modifications sont similaires à celles observées chez des fumeurs adultes.
"C'est assez étonnant de voir ces signaux épigénétiques chez les nouveau-nés exposés au tabac dans l'utérus, activant les mêmes gènes que ceux d'un adulte fumeur", commente la Dr Stephanie London, une épidémiologiste à l'Institut National américain des sciences de la santé environnementale (NIEHS), composante de l'Institut national de la Santé. "Il s'agit d'une exposition au tabac par le sang, le fœtus ne respirant pas la fumée de cigarette mais un grand nombre des effets sont transmis par le placenta", ajoute-t-elle.
Altérations durables
Des liens entre le tabac et des modifications épigénétiques chez le fœtus ont déjà été constatés dans de petites études mais des travaux scientifiques beaucoup plus vastes comme ceux-ci donnent aux chercheurs plus de données pour mettre en lumière des tendances.
Pour les nouveau-nés dont la mère appartenait à la catégorie des "fumeuses persistantes" (13% des participantes), les chercheurs ont identifié 6.073 endroits où l'ADN a été chimiquement modifié comparativement aux enfants dont la mère n'était pas fumeuse. Environ la moitié de l'ADN affecté par le tabagisme est lié à des gènes jouant un rôle dans le développement des poumons et du système nerveux ainsi que dans des cancers résultant du tabagisme ou encore dans des défauts de naissance comme le bec-de-lièvre.
Une analyse séparée de ces données, indique que nombre de ces altérations épigénétiques étaient encore visibles chez des enfants plus âgés dont la mère a fumé pendant la grossesse.
La prochaine étape pour ces chercheurs sera entre autres de mieux comprendre l'impact de ces modifications de l'ADN et comment elles pourraient agir sur le développement de l'enfant et les maladies.
Il s'agit de la première recherche menée dans le cadre du consortium international PACE (International Pregnancy and Childhood Epigenetics, qui rassemble de grandes équipes de scientifiques pour étudier les effets de l'alcool, du poids de la mère ou encore de la pollution de l'air sur le fœtus.
avec AFP
Source : DNA Methylation in Newborns and Maternal Smoking in Pregnancy: Genome-wide Consortium Meta-analysis. B.R. Joubert et al. AJHG, 31 mars 2016. doi: 10.1016/j.ajhg.2016.02.019
[1] Sur la base des réponses à un questionnaire, les femmes enceintes ont été classées comme fumeuses "persistantes" lorsqu'elles avaient fumé des cigarettes quotidiennement pendant quasiment toute la durée de leur grossesse. Ces fumeuses ont représenté 13% du groupe étudié tandis que les non-fumeuses formaient 62% du total, et 25% ont été placées dans la catégorie qui ont fumé occasionnellement et ont arrêté plus tôt avant l'accouchement. Pour analyser les effets chimiques du tabac sur l'ADN des nouveau-nés, ces scientifiques ont prélevé des échantillons de sang dans le cordon ombilical après la naissance de l'enfant.
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