Consommation d'alcool : "Au-delà de 10 verres par semaine, on augmente le risque d'avoir une maladie", affirme un addictologue
"Au-delà de 10 verres par semaine, on augmente de manière significative, son risque d'avoir une maladie", estime Philippe Batel, psychiatre, addictologue et chef du service d'addictologie de Charente, invité mardi 23 janvier sur franceinfo, à l'occasion de la publication d'une étude de Santé Publique France sur la consommation d'alcool en France. L'étude révèle une baisse de la consommation quotidienne d'alcool en France, divisée par trois en trente ans, mais un maintien des alcoolisations ponctuelles, soit plus de six verres en une seule occasion. La France reste parmi les plus gros consommateurs d'Europe avec 10 litres et demi par an par Français, devant l'Allemagne et le Royaume-Uni. L'alcool est responsable de 41 000 décès par an, provoque une soixantaine de maladies et 8% de tous les nouveaux cas de cancers.
franceinfo : Est ce qu'il est pire de consommer de l'alcool tous les jours ou d'en consommer beaucoup sur seulement quelques jours par mois ?
Philippe Batel : Le pire, c'est de consommer de l'alcool au-delà des recommandations qui sont issues de nombreux travaux scientifiques. Elles essayent de déterminer des repères, qu'il ne faut pas prendre comme des seuils, parce qu'il y a une grande variabilité interindividuelle, avec des gens qui sont très sensibles à la consommation d'alcool et vont développer les maladies, d'autres beaucoup moins. Mais on sait que boire au-delà de dix verres par semaine augmente de manière significative son risque d’avoir une maladie. Et quand on parle de dix verres, on parle de dix verres standards donc celui que vous commandez quand vous êtes dans un troquet : un ballon de rouge, un baby de whisky, une bière, un demi, un cognac... On va vous servir une unité-alcool. Chez soi, on est, en règle générale, beaucoup plus généreux. Ce qu'on sait, en gros, c'est que votre corps a une sorte de mémoire et c'est le nombre de verres que vous avez bus sur la vie entière qui va impacter, au final, sur la plupart des maladies.
Quels sont les dangers particuliers du "binge-drinking", l'alcoolisation ponctuelle importante, qui stagne en France ?
Il faut changer les représentations qu'on a sur l'alcool. Il y en a beaucoup de fausses, et en particulier des dangers. Sur le binge-drinking, la première représentation qu'on a, c'est que ce sont les jeunes qui le pratiquent. Mais pas du tout. Quand on regarde les chiffres, on se rend compte qu'il y a maintenant 30% des adultes entre 25 et 35 ans qui ont ce type d'alcoolisation. Ils boivent en fin de semaine. Les dangers que l'on a spécifiquement sur ce type d'alcoolisation, ce n'est pas simplement le fait d'être arrêté sur la route et d'avoir une alcoolémie supérieure au taux légal. Ce sont également des accidents vasculaires cérébraux, de la violence subie ou actée.
"On parle beaucoup de la violence faite aux femmes, elle est très liée à la consommation d'alcool, à la fois chez les auteurs et chez les victimes."
Philippe Batel, psychiatre, addictologueà franceinfo
Et puis, il y a les rapports sexuels non consentis. Il y a les chutes, les traumatismes, les handicaps liés à l'alcool.
Tout est lié à l'alcool ?
C'est ça qui est important. Certains vont penser : mais qu'est-ce que c'est que ce peine-à-jouir qui nous explique à chaque fois que l'alcool est dangereux et responsable de tous les maux ? Ce n'est pas ce que je dis. Je dis que l'alcool y participe et on a vraiment des données scientifiques très solides là-dessus. Je vous donne un exemple qui me paraît très marquant. Il y a, à l'Observatoire Français des drogues et des tendances addictives (OFDT), une étude de vigilance qui s'intéresse aux noyades. Figurez-vous que si vous vous noyez, et que vous avez entre 15 et 30 ans, l'alcool est impliqué dans 85% de ces noyades. On a rarement un lien aussi fort que ça en médecine et en statistiques. Pour le dire à l'envers, si vous êtes jeune, et que vous savez nager, vous ne pouvez pas vous noyer si vous n'êtes pas alcoolisé. Pareil pour les cancers. L'alcool, c'est un produit potentiellement cancérigène. Ça donne huit cancers, y compris le cancer du sein. On n'est pas en train de vous dire que l'alcool va donner systématiquement le cancer. Il va participer à un faisceau de facteurs qui vont promouvoir cette pathologie.
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