Phénomène des "puff" : "On est face à une épidémie pédiatrique", alerte le président de l'Alliance contre le tabac
Selon le Professeur Loïc Josseran, "ces cigarettes électroniques, chez les non-fumeurs et notamment chez les enfants, sont des portes d'entrée vers le tabagisme."
"On est face à une épidémie pédiatrique", alerte mercredi 23 février sur franceinfo le Professeur Loïc Josseran, président de l'Alliance contre le tabac, au sujet de la mode des "puff", ces mini-cigarettes électroniques jetables, qui diffusent des arômes et sont particulièrement prisés des très jeunes.
franceinfo : Ce phénomène vous inquiète-t-il ?
Loïc Josseran : Ce phénomène est particulièrement inquiétant. On est en train de faire entrer des enfants, de très jeunes adolescents, dans l'addiction. 2% de nicotine, ça peut paraître très faible, mais si on arrive aussi rapidement à l'addiction, c'est parce que 600 puffs, c'est l'équivalent de deux paquets de cigarettes en termes de nicotine. C'est une porte d'entrée vers le tabagisme. D'ailleurs, cela a été rappelé par le Haut Conseil de la santé publique dans un rapport du début de l'année : ces cigarettes électroniques, chez les non-fumeurs et notamment chez les enfants, sont des portes d'entrée vers le tabagisme. C'est écrit noir sur blanc.
D'où viennent ces puff ?
C'est assez récent, cela a été mis sur le marché en 2019 aux Etats-Unis, c'est arrivé dans le courant de l'année 2020 en Europe, et cela se répand comme une traînée de poudre. J'en veux terriblement à tous les industriels qui profitent de la crédulité de ces très jeunes enfants, sous couvert d'une ambiance assez sympathique, de parfums qui sont la priorité numéro 1 et ce que va chercher le jeune adolescent. On est face à une épidémie pédiatrique.
Le marketing est destiné aux très jeunes consommateurs ?
C'est une petite barre colorée très attractive, complètement prête à l'emploi : on la sort de la boîte, on la porte à la bouche et c'est parti. C'est extrêmement simple d'usage, on n'a pas besoin de la charger, pas besoin de la remplir. C'est fait pour une simplicité totale d'accès : j'en veux terriblement à tous les commerçants qui acceptent de vendre sans aucun contrôle, alors même que c'est interdit aux moins de 18 ans. Les gamins se procurent ce produit sans aucune difficulté : c'est vendu chez les buralistes, dans les boutiques de vape, dans les épiceries de nuit, dans la grande distribution et sur Internet. Quand on est présent sur un réseau social comme TikTok, on n'est pas là pour aller chercher des vieux fumeurs de 50 ans qui ont envie d'arrêter de fumer, ça c'est faux, même si les fabricants disent qu'ils sont là pour aider au sevrage. On est là pour attraper les jeunes. 95% des fumeurs ont commencé à consommer avant 18 ans. Il faut aller chercher les jeunes et les jeunes sont sur TikTok.
Qu'attendez-vous des pouvoirs publics ?
Il faut absolument respecter l'interdiction de vente aux mineurs. Tant que tout le monde s'en fichera du fait que des gamins puissent acheter un produit qui, en l'espace de quelques semaines, va les rendre addict, on ne s'en sortira pas. Il faut qu'il y ait cette responsabilité de tous les acteurs de cette vente pour interdire cet accès aussi simple au produit. Il y a énormément de boutiques de vape sur les réseaux sociaux, je pense qu'on a la capacité d'aller identifier les vendeurs, pour être dans la sanction. On ne peut pas laisser faire ça en toute impunité.
Que conseillez-vous aux parents qui voudraient avoir cette conversation avec leurs enfants ?
Les parents doivent absolument expliquer aux enfants la façon dont ils se font attraper, les dangers que ça représente, l'addiction qui est derrière. Ce n'est pas un bonbon, même si ça a un goût de marshmallow. Les parents doivent réaliser ce que c'est : ce n'est pas un petit dispositif rigolo, c'est un dispositif qui va rendre leurs enfants addict. Quel parent a envie d'exposer son enfant à un produit qui va in fine amener vers le tabagisme, et dont on sait qu'il va écourter la vie de leur enfant entre 20 et 25 ans ? Personne. Il faut réaliser que les enfants sont exposés : parfois, des parents ne voient pas. Au milieu d'une trousse d'enfants, ce dispositif passe comme étant un gros stylo fluo. Il y a même des ados qui tirent dessus en cours, et qui arrivent à faire sur la journée une sorte d'ivresse à la nicotine, tellement l'exposition à la nicotine va être élevée dans la journée.
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