Cet article date de plus d'un an.

L'interdiction du HHC ne va pas "supprimer totalement l'accès" mais "permettra peut-être de diminuer les risques associés", selon un psychiatre

Pour les addicts au HHC qui auraient du mal à s'en passer, le psychiatre Nicolas Authier se veut rassurant : "Ce n'est pas mortel. C'est très inconfortable. Mais cela passe en quelques jours."
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Le HHC, cette molécule de synthèse du cannabis, va être interdit à la vente. (JOSSELIN CLAIR / MAXPPP)

L'interdiction du HHC ne va pas "supprimer totalement l'accès, mais ça le limite fortement", a affirmé lundi 12 juin sur franceinfo le professeur Nicolas Authier, psychiatre, chef du service de pharmacologie médicale au CHU de Clermont-Ferrand et spécialiste de l’usage médical du cannabis, alors que le ministre de la Santé François Braun a annoncé que l'hexahydrocannabinol (HHC), dérivé de synthèse du cannabis, a été classé lundi comme stupéfiant par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

>> REPORTAGE. "Pas autorisé, mais pas illégal" : qu'est-ce que le HHC, ce dérivé du cannabis vendu librement en France ?

Cette interdiction "permettra peut-être de diminuer les risques associés à cet usage", selon Nicolas Authier. Il sera "plus difficile de s'en procurer" et il y aura "moins de personnes qui l'expérimenteront". Et pour les addicts qui risquent d'avoir du mal à s'en passer, le psychiatre se veut rassurant : "Ce n'est pas mortel. C'est très inconfortable. Mais cela passe en quelques jours."

franceinfo : Est-ce que l'hexahydrocannabinol est dangereux uniquement en cas d'overdose ou dangereux même utilisé normalement ?

Nicolas Authier : C'est un produit qui mime les effets du THC, le tétrahydrocannabinol, qui est la substance psychoactive du cannabis. Donc il a les mêmes risques potentiels, des risques neurologiques psychiatriques, cardiovasculaires. Le risque n'est pas vraiment une surdose, parce qu'on ne décède pas par surdose de cannabis ou de cannabinoïdes. En revanche, on a des effets indésirables, des complications, qui peuvent apparaître d'autant plus quand la substance est relativement puissante et qu'on se trompe dans le dosage. Donc, c'est une substance qui mime les effets du cannabis illégal.

Est-ce que l'on a déjà des statistiques sur des cas d'hospitalisations liées à la consommation de ce produit ?

C'est trop pour l'instant pour avoir des données statistiques robustes. On a des cas qui sont remontés au réseau français d'addictovigilance, un réseau de treize centres qui travaillent pour l'Agence du médicament, qui rapporte les complications liées aux drogues, dont les cannabinoïdes de synthèse comme le HHC. Il y a des cas rapportés assez faciles à expliquer, mais c'est difficile pour l'instant de dire qu'on a des séries statistiques. L'idée, c'est de faire de la prévention, et de ne pas attendre d'avoir des complications chez des milliers ou des dizaines de milliers de personnes avec une substance. Et il faut prévenir en limitant l'accès. Ce n'est pas parfait de classer comme stupéfiants. Cela ne peut pas supprimer totalement l'accès, mais ça le limite fortement. Et ça permettra peut-être de diminuer les risques associés à cet usage.

La question de l'interdiction de ce type de produit c'est que cela crée un marché parallèle clandestin, moins contrôlé. Est-ce que, selon vous, c'est moins risqué ?

Il n'est déjà pas contrôlé. On a un marché légal qui s'appuie sur le marché du CBD, du cannabis dit de "bien-être". Donc on a un marché très large, très facile d'accès. En revanche, on n'a aucune garantie de qualité du HHC. C'est un marché noir qui s'appuie sur un marché légal. Cela ne changera pas grand-chose sur la qualité des produits qui actuellement n'est pas contrôlée. En revanche, la disponibilité sera moindre. Il n'y en aura plus dans les bureaux de tabac. Il n'y aura plus dans les boutiques que l'on trouve partout en ville. Ce sera un peu plus difficile de s'en procurer. Et peut-être qu'il y aura moins de personnes qui l'expérimenteront ou qui deviendront dépendantes à cette substance.

Pour ceux qui en consomment déjà, quelles sont les alternatives s'il y a sensation de manque dans les jours qui viennent et qu'on ne peut plus donc s'en procurer ?

La majorité des consommateurs de HHC sont déjà des consommateurs de cannabis avec du THC qui sont passés de l'un à l'autre et qui ont déjà une accoutumance aux cannabinoïdes et à cette famille de substances. Le risque, c'est que ceux qui consommaient du HHC reprennent du cannabis illégal, celui qui contient du THC. Il peut y avoir un syndrome de manque, mais il faut en avoir consommé pendant longtemps, des mois, parfois des années. Je ne crois pas que ce soit ça qui soit le plus à craindre. En revanche, il y a certains usagers de HHC qui vont rebasculer vers des consommations de cannabis illégales. On ne peut pas maîtriser cette option-là. Mais il faut dire à ceux qui en consomment ou à l'entourage de ceux qui en consomment qu'il y a des accompagnements possibles par des structures, des consultations de jeunes consommateurs, des consultations d'addictologie, des centres de soins spécialisés avec des consultations anonymes et gratuites. Il ne faut pas hésiter à prendre des rendez-vous et discuter si on se sent mal après un arrêt de HHC. Ce n'est pas mortel. On ne va pas mourir du manque. Mais c'est très inconfortable. Il y a de l'anxiété, des troubles du sommeil, des tremblements, de la transpiration. Mais ça passe en quelques jours.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.