Cet article date de plus d'un an.

Campagnes de prévention sur les risques de l'alcool annulées : "Le lobby de l'alcool a infiltré tout l'appareil d'Etat" dénonce l'association Addictions France

"Il y a quand même 40 000 morts par an. C'est la ville de Tarbes tous les ans qui est rayée de la carte", s'indigne Bernard Basset, médecin spécialiste en santé publique et président de l’association Addictions France.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Image d'illustration. (JEREMIE FULLERINGER / MAXPPP)

Bernard Basset, médecin spécialiste en santé publique et président de l’association Addictions France, a dénoncé lundi 11 septembre sur franceinfo "le lobby de l'alcool" qui "a infiltré tout l'appareil d'État" alors que la cellule investigation de Radio France révèle ce lundi que le cabinet de François Braun, ministre de la Santé, a annulé au printemps deux campagnes de prévention sur les risques liés à la consommation d’alcool. L'une d'elles aurait dû être diffusée pendant la Coupe du monde de rugby.

>> ENQUETE. Quand le ministère de la Santé retoque deux campagnes de prévention sur l’alcool

Selon le médecin, ce lobby a infiltré l'État "de la présidence, jusqu'au ministère de la Santé en passant par le Premier ministre", dit-il. En remplacement de ces campagnes, Santé publique a proposé de rediffuser une ancienne campagne de 2019, "deux verres par jour et pas tous les jours". C'est l'actuel ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, qui s'y est opposé, révèle la cellule investigation de Radio France. Le principal lobby Vin et société avait envoyé en janvier dernier un courrier incendiaire à Emmanuel Macron pour se plaindre de la campagne de prévention diffusée pendant les fêtes. Cette campagne pointait du doigt le paradoxe de trinquer à la santé de quelqu'un alors que l'alcool est déconseillé pour la santé.

franceinfo : Est-ce que vous êtes étonné par ces révélations ?

Bernard Basset : Cela ne m'étonne pas du tout. Le lobby de l'alcool a infiltré tout l'appareil d'État de la présidence jusqu'au ministère de la Santé en passant par le Premier ministre. Il influe sur les décisions et en fait, il s'octroie un droit de veto sur les campagnes. On ne peut faire une campagne d'information libre sur l'alcool en France. Ce que Santé publique France paye, c'est la qualité de ses campagnes. Ses campagnes étaient excellentes. La campagne qui a eu lieu en janvier était très percutante. Elle posait une question : est-ce qu'on peut associer la santé à l'alcool ? Non, évidemment. C'est très dérangeant pour le lobby de l'alcool.

La Coupe du monde de rugby était le bon moment pour lancer une campagne de prévention ?

On sait que la consommation de bière, en particulier au moment du rugby, est multipliée par quatre. Il y a quand même un intérêt à faire une campagne. Ça fait une victime supplémentaire, c'est Aurélien Rousseau, ministre de la Santé parce que vous avez révélé qu'il a annulé une campagne. Aurélien Rousseau se présente comme le ministre de la prévention. Et maintenant, qu'est-ce qui va se passer ? À chaque fois qu'il va parler de prévention, on va lui dire : "et l'alcool" ? Il va traîner ça pendant des semaines et des mois. Il a déjà décrédibilisé son discours sur la prévention.

Avez-vous exprimé votre colère auprès du ministère ?

On le fait systématiquement. En fait, on tape à la porte du ministère de la Santé et aussi à la porte de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives. Elle a aussi un rôle clé dans la régulation de ces campagnes. Ce qui est choquant, c'est qu'il y a une sorte de visa politique sur des campagnes de prévention. La mission de Santé publique France, c'est de faire la prévention, ce n'est pas de faire de la communication gouvernementale. Ce n'est pas de relayer la parole d'Emmanuel Macron, c'est de défendre la santé. Ce n'est pas ça qui se passe. Un lobby puissant peut annuler les campagnes, peut influer sur les campagnes. Il y a quand même 40 000 morts par an. C'est la ville de Tarbes tous les ans qui est rayée de la carte.

Quand Emmanuel Macron boit une bière cul-sec dans un vestiaire du club de rugby, le Stade toulousain, il est dans son rôle ?

Cette image est choquante à double titre. Il banalise l'alcool, mais surtout, c'était une image que nous qualifions de binge drinking (alcoolisation ponctuelle importante). On avale cul-sec. Le président a un devoir d'exemplarité. Il ne peut pas donner cette image où on boit sans maîtrise à la télévision, associer le sport à la consommation d'alcool. Il a une responsabilité, même s'il le fait évidemment pour la communication. Mais il a un devoir d'exemplarité.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.