Cet article date de plus de huit ans.

L'anorexie, une addiction à la maigreur plus qu'une peur de grossir ?

Des chercheurs suggèrent que les patients atteints d'anorexie mentale seraient davantage motivés par le plaisir de maigrir que par la peur de grossir. De quoi modifier l'approche médicale de la maladie.

Article rédigé par franceinfo - Anna Pereira
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
L'anorexie a la plus forte mortalité de toutes les pathologies mentales. (PSI / AFP)

Et si l'anorexie relevait de l'addiction plus que de la phobie ? D'après une étude publiée mardi 7 juin dans la revue Translational Psychiatry, les patients atteints de ce trouble du comportement alimentaire ressentiraient un plaisir intense à perdre du poids. Francetv info vous explique comment les chercheurs du Centre de psychiatrie et de neurosciences (Inserm-université Paris-Descartes) de l'hôpital Sainte-Anne, à Paris, sont arrivés à cette conclusion. 

L'anorexie prédomine chez les filles (neuf filles pour un garçon) et toucherait de 0,2% à 0,5% de la population, avec un pic chez les 13-25 ans, selon le professeur Philip Gorwoord, coauteur de l'étude. Le diagnostic de ce trouble repose actuellement sur trois critères : la restriction des apports énergétiques menant à une perte de poids, une perception déformée de son corps et une peur intense de grossir.

Des émotions positives à la vision de corps maigres 

Toutefois, les chercheurs, postulant que l'anorexie relevait plus d'une addiction que d'une phobie, ont voulu approfondir cette piste ouverte par de tout récents travaux évoquant un dérèglement du "circuit de la récompense" observé dans les addictions.

Pour confirmer leur hypothèse, les scientifiques ont présenté des images en 3D de corps de différents poids à 71 femmes anorexiques et 20 femmes ne présentant pas de trouble alimentaire. Pendant le test, ils ont mesuré leur sudation, car l'émotion provoquée par certaines images entraîne une augmentation de la transpiration, rapide et automatique.

Chez ces patientes, de poids variés et présentant divers degrés de sévérité de la maladie, la vision des images de femmes de poids normal ou en surpoids a provoqué une réaction comparable à celle des sujets sains. En revanche, face à des images de maigreur, les patientes ont eu des réactions émotionnelles positives alors que les sujets sains n'avaient pas de réaction particulière.

Seulement un tiers de rémissions réelles

Pour les chercheurs, il existe donc une "très forte probabilité" que l'anorexie soit du registre des addictions. Mais ils rappellent que ce trouble est dû à de multiples facteurs (génétiques, psychologiques, socio-culturels…). L'anorexie a ainsi une forte héritabilité (70%), selon des études antérieures, menées notamment sur des familles et des jumeaux. Toutefois, relève Philip Gorwood, "il n'y a pas de gène de l'anorexie, mais des gènes de vulnérabilité".

"On est très démuni au niveau thérapeutique, et aucun pays n'a de médicament ayant une autorisation de mise sur le marché pour l'anorexie", déplore-t-il, évoquant "des rémissions réelles dans un tiers des cas" seulement. L'anorexie a en outre la mortalité la plus élevée de toutes les pathologies mentales, note la Haute Autorité de santé (PDF).

De nouvelles pistes thérapeutiques

C'est tout l'intérêt de cette étude : elle ouvre la voie au développement de nouvelles thérapies,  notamment la remédiation cognitive et la thérapie en pleine conscience. La première vise à aider les patients à sortir du cercle vicieux "amaigrissement-récompense" en leur apprenant à corriger des comportements liés à une rigidité cognitive et à une focalisation sur les détails qui contribuent à entretenir leurs troubles.

La thérapie en pleine conscience, souvent associée à la méditation, travaille, elle, sur le fait de se concentrer dans "l'ici et le maintenant, en empêchant les pensées automatiques, les bloquer et rester dans le ressenti actuel, le réel et pas dans des idéaux, comme celui d'être toujours plus mince".

Toutefois, le professeur Gorwood reste prudent : ces traitements étant expérimentés depuis moins de six mois, "il n'est pas encore possible de tirer des conclusions probantes sur leur efficacité à long terme"

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.