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Comment peut-on survivre en hypothermie extrême ?

Un garçonnet de 2 ans a survécu à une hypothermie record en Pologne. Clémence Miska, médecin qui secourt les skieurs et alpinistes sur le massif du Mont-Blanc, explique que le métabolisme des enfants protège davantage le cerveau que celui des adultes.

Article rédigé par Jéromine Santo-Gammaire
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Des skieurs à Gréolières-les-Neiges (Alpes-Maritimes). (ROBERT PALOMBA / ONLY FRANCE)

La température de son corps avait chuté à 12°C. Le petit garçon de 2 ans retrouvé lundi 1er décembre en Pologne, inconscient au bord d'une rivière, avait passé la nuit dehors après être sorti de sa maison à l'insu de sa grand-mère. Cette nuit-là, la température dans la région de Cracovie avoisinait les -3°C, et l'enfant n'était vêtu que d'un simple pyjama.

L'état du garçonnet s'améliore, même si on ignore encore s'il gardera des séquelles. Il s'agirait, jusqu'à présent, du cas le plus sévère d'hypothermie auquel aurait survécu un être humain. Est-ce "un miracle", comme l'estiment les médias polonais ? Nous avons interrogé Clémence Miska, urgentiste aux hôpitaux du pays du Mont-Blanc, qui participe aux secours en montagne.

Comment se fait-il que ce petit garçon ait survécu ?

Clémence Miska : Je suis très étonnée. Je n'ai jamais été confrontée à une situation comparable. Nous secourons régulièrement des personnes tombées à 25 ou 26°C, mais très rarement en dessous. Néanmoins, chaque cas est différent. En état d'hypothermie, tous les organes se mettent à fonctionner au ralenti et cela protège le cerveau. Après un arrêt cardiaque, on arrive à réanimer des personnes sans qu'elles aient aucune séquelle neurologique, ce qui n'est pas le cas lorsque le corps est chaud, sauf si la réanimation a lieu dans les trois minutes.

Dans le cas présent, la victime est très jeune. Les bébés et jeunes enfants se refroidissent et se réchauffent plus vite que les adultes. Cela a aussi pu jouer. On les réanime plus facilement parce que leur métabolisme protège davantage leur cerveau.

Quelles sont les étapes du passage en hypothermie ?

La température du corps peut chuter très rapidement. Mais cela dépend du milieu : dans l'eau, ce sera plus rapide qu'à l'air libre. Si la personne est traumatisée, par exemple si elle s'est fracturé l'avant-bras ou qu'elle a subi un traumatisme crânien, la température du corps va également descendre beaucoup plus vite.

On considère qu'en dessous de 35°C, la personne entre en hypothermie. Entre 35 et 32°C, le corps frissonne pour se réchauffer. Si la température interne continue de baisser, les tremblements s'arrêtent et la personne entre en léthargie. Lorsqu'on secourt quelqu'un en haute montagne, cela permet de nous donner une idée de l'état dans lequel se trouve la victime. Le cœur ralentit doucement jusqu'à 30 pulsations à la minute, la respiration aussi. La personne a des troubles de la conscience. En dessous de 28°C, elle peut passer en arythmie, lorsque les battements du cœur sont irréguliers. A tout moment, elle peut faire un arrêt cardiaque.

Comment un patient en hypothermie est-il ramené dans des conditions normales ?

S'il est inconscient, on utilise des systèmes de circulation extracorporelle. C'est-à-dire que l'on fait passer le sang hors du corps dans une machine qui va le réchauffer. S'il est conscient, on va utiliser des perfusions, des couvertures et des poches chauffantes que l'on place sur la carotide ou le thorax. 

Il faut réchauffer la personne très lentement, en commençant par le noyau central. Pour se protéger, le corps a concentré le sang dans les zones indispensables à la vie : le cerveau, le cœur, les reins. Si on met la personne au coin du feu, elle peut faire de la vasodilatation et se refroidir à nouveau alors qu'on est en train de la réchauffer, car le sang circule à nouveau dans les zones froides du corps et se refroidit. En fait, il faut aller très lentement : la température du corps doit gagner un degré par heure.

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