Loire-Atlantique : ce que l'on sait des douze cas de cancers pédiatriques détectés près de Nantes
Douze cas ont été signalisés autour de Nantes, selon un collectif de familles. Trois enfants sont morts de ces cancers depuis 2015. Santé publique France va mener une étude épidémiologique. Les premières conclusions sont attendues pour l'automne.
A Sainte-Pazanne, "tout le monde ne parle que de ça en ce moment." Dans cette commune de 6 500 habitants, située à une trentaine de kilomètres au sud-ouest de Nantes (Loire-Atlantique), six cas de cancers pédiatriques ont été recensés depuis décembre 2015, dont trois mortels. Six autres cas ont été signalés dans trois villes situées à 10 km, ou moins, aux alentours : trois cas à Saint-Mars-de-Coutais, deux à Rouans et un à Saint-Hilaire-de-Chaléons.
Les parents veulent comprendre. Avec les habitants des communes concernées, jeudi 4 avril, ils ont pu assister à une réunion avec les autorités de santé. Une étude épidémiologique va être menée par Santé publique France, a annoncé l'Agence régionale de santé (ARS) Pays de la Loire. Voici les éléments.
Les familles évoquent douze cas recensés depuis 2015
Parmi les douze enfants et jeunes adultes, âgés de 3 à 19 ans, recensés par des familles des villages concernés, deux sont en rémission, quatre suivent un traitement lourd et trois sont morts. Elouan allait avoir 12 ans quand il est mort, en mai 2018. "Il était atteint d'un lymphome, explique à franceinfo sa mère, Séverine Ragot. Au début, on pensait que c'était un cas isolé. Puis, en regardant de plus près, j'ai compris qu'on n'était pas tous seuls. Une deuxième famille, puis une troisième, puis une quatrième... A un moment donné, ça ne relève plus du simple hasard."
Autant de cas de cancers d'enfants dans une commune aussi petite, ça pose forcément des questions. Nous, parents, sommes en droit d'avoir des réponses.
Séverine Ragotà franceinfo
Marie Thibaud, elle aussi, veut savoir. En décembre 2015, on diagnostique une leucémie à son fils Alban, alors âgé de 4 ans. Alors qu'il est en rémission, c'est au tour d'un de ses camarades de classe d'être touché. "C'est Alban qui me dit : 'maman, c'est pas vrai, il est pas malade lui aussi ?'", confie-t-elle à France 3 Pays de la Loire.
A Sainte-Pazanne, depuis 2015, un enfant est atteint de cancer tous les six mois, c'est supérieur à la moyenne nationale et nous avons besoin de savoir pourquoi.
Marie Thibaudà France 3 Pays de la Loire
Rencontré sur la place de Sainte-Pazanne, Fabrice témoigne dans Le Parisien avec émotion. Il raconte comment le cancer, après avoir emporté ses deux femmes, a frappé sa fille. Jade est atteinte en 2017 d'un cancer des ovaires, à l'âge de 7 ans. "Ce qui est triste, c'est qu'elle est plus forte que moi. Elle, elle sait qu'elle va guérir", souffle son père. Aujourd'hui en rémission, Jade a découvert qu'un de ses camarades d'école était lui aussi touché par la maladie. "Pourquoi il y a autant de cas ? (...) Aujourd'hui, tout le monde veut savoir la vérité", s'indigne Fabrice au Parisien.
Jeudi 4 avril, lors de la réunion publique avec les autorités de santé, un père a pris la parole devant plus de 300 personnes, rassemblées dans la salle communale de Sainte-Pazanne : "Je suis le papa du petit Kenny, décédé en 2015... Il a fait cinq rechutes, a subi une greffe de moelle osseuse". La maman d'une adolescente de 13 ans, en rémission d'une leucémie aiguë, a aussi témoigné : "On a quitté la ville pour la campagne et, du jour au lendemain, notre enfant est atteint d'un cancer, on bascule dans l'enfer", selon France 3 Pays de la Loire.
« Est-ce qu’il n’y a pas un problème dans nos campagnes avec les produits qu’on met sur la terre ? »
— Eleonore Duplay (@Eleonoreduplay) 4 avril 2019
Un habitant de Nozay dont la fille de 5 ans est atteinte d’une leucémie et qui compte une douzaine de cas près de Nozay, en zone rurale. @F3PaysdelaLoire
L'Agence régionale de santé (ARS) Pays de la Loire, saisie dès avril 2017 de six cas de cancers pédiatriques, avait "conclu à un excès de cas de leucémies sur deux ans parmi les enfants de moins de 15 ans, par rapport aux données observées au cours des années précédentes sur ce même secteur". Sans s'avancer sur les causes potentielles.
Une étude épidémiologique a été lancée
Au mois de mars, une quinzaine de familles ont décidé de se rassembler au sein d'un collectif. Son nom : "Stop aux cancers de nos enfants". Leur détermination a fini par payer. L'ARS Pays de la Loire a annoncé, vendredi 29 mars, qu'une étude épidémiologique allait "immédiatement" être menée par Santé publique France, un organisme qui dépend du ministère de la Santé. Les premières conclusions sont attendues à l'automne prochain. "Cette fois, on a le sentiment d'être pris au sérieux, témoigne, soulagée, Séverine Ragot. C'est une première victoire, il va y avoir des enquêtes de terrain, ça avance dans le bon sens."
La première enquête de l'ARS en 2017 n'avait rien donné. Il s'agissait à l'époque d'une "analyse que l'on peut qualifier d'administrative, sans aller sur le terrain", a expliqué le maire de Sainte-Pazanne, Bernard Morilleau, sur Europe 1. "Il n'y avait pas eu de conclusion tirée." Mais depuis l'apparition de nouveaux cas, "on a retiré la sonnette d'alarme auprès de l'ARS, qui accepte aujourd'hui d'aller vers un deuxième niveau d'investigation de terrain, beaucoup plus approfondi".
Aucun "facteur de risque environnemental" n'a pour l'heure été détecté
A ce jour, personne n'est en mesure d'expliquer ces cas de cancers pédiatriques développés localement. "On ne comprend d'où cela peut venir, observe le maire Bernard Morilleau à franceinfo. Les habitants s'interrogent, téléphonent à leurs médecins. C'est compliqué à gérer car on n'a pas les éléments scientifiques pour répondre à leurs questions."
Lors de la réunion publique de jeudi 4 avril, les parents ont pu exprimer leurs inquiétudes pendant trois heures. Des hypothèses sur les causes ont été avancées : les lignes à haute tension, les ondes de téléphones, les pesticides, le stress, une pollution des nappes phréatiques, le radio, un gaz naturel très présent dans la région... Sainte-Pazanne se situe dans une zone rurale, majoritairement agricole, sans site Seveso ni industrie lourde. "L'analyse des facteurs de risque environnementaux n'a pas montré de cause prédominante", concluait l'ARS après ses premières recherches.
En attendant les conclusions de Santé publique France, le maire de Sainte-Pazanne répète à franceinfo qu'il faut "absolument éviter les supputations car on ne sait rien, et qu'on risque de se tromper". "J'ai reçu des mails qui incriminent les compteurs Linky, d'autres les lignes électriques" déplore Bernard Morilleau auprès de nos confrères du Parisien. "Ils sont forts ; moi, tout ce que je sais, c'est que je ne sais pas."
Le collectif "Stop aux cancers de nos enfants" l'a bien compris : lui aussi ne s'avance pas sur les éventuelles causes du phénomène. "Je m'attends à tout, explique à franceinfo Séverine Ragot. Il se peut qu'on ne trouve rien. Mais il se peut qu'on trouve des débuts de réponses. Dans tous les cas, on ne peut pas rester les bras croisés." Les premiers résultats de l'enquête sont attendus à l'automne.
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