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Automate de shoot : "Je m'injecte chez moi, le matin et le soir. Ici, c'est la merde"

En attendant l'expérimentation de salles de consommation encadrée, l'association Safe met à disposition des toxicomanes des distributeurs de kit d'injection. Reportage près de l'hôpital Lariboisière, à Paris.

Article rédigé par Geoffroy Lang
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le distributeur de kit d'injection installé rue de Maubeuge, à Paris, le 2 avril 2015. (GEOFFROY LANG / FRANCETVINFO)

"T'as pas une 2 cc s'te plaît ?" Moins de cinq minutes après avoir garé sa camionnette devant l'automate de la rue de Maubeuge, le long de la gare du Nord à Paris, Benoît se retrouve au milieu d'un petit attroupement.

Le temps de trouver la seringue, sept hommes se sont agglutinés derrière lui. "Poussez-vous !", s'énerve l'un d'entre eux, qui insiste pour obtenir un sac de couchage. Il sort subitement une bombe lacrymogène de la manche de son blouson et la brandit aux visages des autres : "Rentrez chez vous maintenant !" 

Le groupe se disperse aussitôt, certains déguerpissent au coin de la rue. Benoît garde le sourire. "C'est bon, je vais m'occuper de tout le monde", lance-t-il, toujours affairé dans son fourgon. L'homme finit par ranger son arme de défense en s'excusant. 

Benoît, salarié depuis trois ans pour Safe, effectue des tournées quotidiennes pour remplir les 34 distributeurs de kits d'injections stériles que l'association met à disposition des toxicomanes à Paris.

Adaptées à partir d'un modèle allemand de distributeurs de cigarettes, ces machines permettent aux consommateurs de drogues d'obtenir un kit comprenant deux seringues de 1 millilitre, un récipient pour faire le mélange, de l'eau stérilisée, des tampons alcoolisés et un préservatif. "Le problème, c'est qu'on ne peut pas mettre dans le même distributeur des seringues de 2 ou de 5 centimètres cube pour les usagers qui ont besoin de plus diluer leur produit", explique le membre de SAFE en fouillant dans les cartons de sa camionnette.

Des tensions, mais pas de violences

Commentant la scène qui vient de se dérouler, Karim, un autre homme venu chercher un kit, explique : "Vous savez, nous, on dort sur des cartons dans un squat." Ce trentenaire, rasé de près et vêtu d'une petite veste en jean, ne colle pas vraiment au cliché du toxico. Pourtant, il se rend souvent au distributeur de la rue de Maubeuge pour obtenir des seringues stériles. "Moi, je m'injecte chez moi, le matin et le soir. Ici, c'est la merde, y'a les flics qui nous mettent la pression", confie-t-il.

Les automates de l'association Safe sont disposés dans des lieux de consommation de drogue connus dans la capitale, qui sont aussi les endroits où gravitent les dealers. A deux pas du distributeur, aux abords de l'hôpital Lariboisière, on vend à peu près tout ce qui s'injecte. Pour se piquer, les usagers se cachent où ils peuvent : des halls, des parkings, et parfois même dans la rue.

Pas de mort dans les salles de consommation encadrée

"On milite depuis six ans pour la création de salles de consommation encadrée en France", se désole Catherine Duplessy, la directrice de Safe. La première infrastructure d'accueil pour les toxicomanes a ouvert en 1986, à Berne (Suisse), il en existe aujourd'hui plus de 80 en Europe. Dans ces lieux, les usagers de drogues sont reçus par des professionnels de santé, qui veillent à la prévention des risques de contaminations virales (sida, hépatites...) et bactériennes. Mais ils facilitent aussi une prise en charge des addictions et un accès plus général aux soins de santé.

"Cela permet d'assurer plus de salubrité dans l'espace public. Usagers, professionnels, riverains : tout le monde est gagnant", assure-t-elle. Le projet de loi Santé, veut remettre sur la table l'expérimentation de ces "salles de consommation de drogue à moindre risque". A la suite de l'opposition suscitée par un premier projet d'expérimentation à Paris, la mairie a finalement décidé d'implanter la salle de consommation sur le terrain de l'hôpital Lariboisière. 

La machine a été 85 fois en rupture de stock

En attendant la loi, les bénévoles de Safe remplissent quotidiennement leurs distributeurs de kit d'injection. "Ici, c'est le premier distributeur de France", plaisante Benoît empilant, au fur et à mesure, les 360 kits que peut contenir la machine. Au total, 157 974 seringues ont été prélevées dans cette machine pour la seule année 2014.

Malgré les rondes quotidiennes de Benoît et de ses collègues, la machine s'est retrouvée 85 fois en rupture de stock. Il lui faut un petit quart d'heure pour remplir l'automate et évacuer les paquets usagers. Alors qu'il s'apprête à remonter dans son véhicule pour poursuivre sa tournée, une femme s'approche en tendant la main, un nourrisson dans les bras. Une fois le kit en main, et sans avoir échangé un mot, elle disparaît aussitôt avec son enfant au coin de la rue, direction l'hôpital Lariboisière.

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