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Salmonelle : les excuses du patron de Ferrero France sont "une opération de communication, une désinvolture", dénonce un avocat de victimes

Les excuses du directeur général France de Ferrero après que des enfants ont été contaminés par des chocolats Kinder à Noël ne passent pas. D'autant plus que s'il reconnaît des défaillances, il ne reconnaît pas de négligences. Ce que Me Jérémy Kalfon conteste.

Article rédigé par franceinfo
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Des chocolats de la marque Ferrero retirés de la vente à la suite d'une épidémie de salmonelloses dans plusieurs pays européens dont la France (illustration). (LUC NOBOUT / MAXPPP)

Les excuses du patron de Ferrero France Nicolas Neykov, dans un entretien au journal Le Parisien/Aujourd'hui en France [article payant] publié vendredi 27 mai, sont "une opération de communication" qui "arrive beaucoup trop tard", critique sur franceinfo maître Jérémy Kalfon, avocat de 14 familles de victimes de contamination à la salmonelle due à la consommation de chocolats Kinder. Pour lui, il y a eu "négligences et défaillances" de la part de Ferrero.

>> Chocolats Kinder contaminés aux salmonelles : Foodwatch dénonce une "gestion de crise qui se moque du monde" après les excuses de Ferrero

franceinfo : Vous avez lu les mots, les excuses du patron de Ferrero France. Qu'en pensez-vous ?

Jérémy Kalfon : C'est une opération de communication manifestement et elle arrive beaucoup trop tard. Le scandale a éclaté au début du mois d'avril et il aura fallu attendre la fin du mois de mai pour entendre le patron de Ferrero France s'expliquer face à des consommateurs. Cette attente est insupportable. De plus, le contenu est totalement insuffisant puisque le patron de Ferrero nous dit en substance : 'Il y a eu des défaillances, certes, mais il n'y a pas eu de négligence.'

"C'est le cru 2022 du 'responsable, mais pas coupable'."

Me Jérémy Kalfon, avocat de 14 familles de victimes de contamination à la salmonelle

à franceinfo

Les défaillances viennent bien de quelque part. Il y a deux possibilités : soit elles proviennent de négligences et c'est évidemment inacceptable, soit elles proviennent d'une incompétence totale du groupe Ferrero et c'est inacceptable aussi. Lorsqu'on est un groupe multinational qui fait un tel chiffre d'affaires, qui a de tels moyens, qui produit de la nourriture à destination d'enfants, (la moyenne d'âge de mes clients est de trois ans), alors on n'a pas une obligation de moyens, on a une obligation de résultat. Et l'incompétence, telle que semble la plaider le patron de Ferrero, n'est pas une ligne de défense, c'est une négligence.

Vos clients ont-ils lu cet entretien, vous en ont-ils parlé ?

Mes clients ont lu cet entretien. Les mots qui reviennent sont "stupéfait" et "écœuré". On sent bien que d'abord, évidemment, ça arrive beaucoup trop tard. Ce sont des gens qui ont essayé de joindre Ferrero pendant plusieurs jours, semaines, voire mois puisque les enfants de certains de mes clients ont été contaminés au mois de décembre, février, mars, et n'ont eu aucune réponse. Aujourd'hui vous avez une réponse calibrée avec un format très particulier dans laquelle il y a des paroles : 'Vous allez être dédommagés', mais il n'y a pas d'actes. Il n'y a rien, nous ne voyons rien.

Cette question du dédommagement compte-t-elle pour vos clients ?

En réalité, cette question ne compte pas. Ce qui est extraordinaire et ce qui montre bien la motivation de mes clients, c'est que lorsqu'ils m'ont contacté, aucun ne m'a parlé d'indemnisation. La plupart, voire la totalité des familles qui m'ont contacté ont été motivées par l'absence de réponse de Ferrero. Elles ont été motivées par la désinvolture du groupe avant que le scandale n'éclate, en ne rappelant pas les produits et en ne faisant pas le nécessaire pour que les contaminations cessent, et après que le scandale a éclaté, alors que les numéros verts ne répondaient pas, que les mails restaient sans réponse, et que les réponses qu'on leur donnait étaient insatisfaisantes, voire indignes, puisque parfois on leur disait : "Madame, monsieur, quelle idée de donner des chocolats à des enfants de 2 ans ?" 

"L'interview du PDG de Ferrero France a un seul but : essayer de restaurer la confiance des consommateurs du groupe."

Jérémy Kalfon

à franceinfo

Et ce n'est absolument pas un gage donné aux victimes de cette affaire.

Nicolas Neykov explique l'origine de la contamination, le filtre d'une cuve à beurre. Il promet que les protocoles vont être revus en laboratoire extérieur, qui réalisera la moitié des tests sanitaires, y compris dans l'usine normande. N'y a-t-il pas là de quoi vous rassurer 

On savait déjà que la salmonelle arrivait d'une cuve à beurre, c'était connu depuis bien longtemps déjà. En revanche, ce qui est intéressant dans ce que dit M. Neykov, c'est la faillite de l'autocontrôle. Dans ces usines, les contrôles étaient 100% internes et désormais, le contrôle se fera à 50% avec un laboratoire indépendant. Cela montre bien que le contrôle tel qu'il était conçu et accepté ne pouvait pas fonctionner. On le voit avec Ferrero aujourd'hui mais on le voit aussi avec d'autres marques qui sont concernées par d'autres scandales. Le fait qu'un organe extérieur intervienne au stade du contrôle et que l'usine ait été arrêtée sont de bonnes choses. Nous espérons que les contaminations vont cesser. Néanmoins, les 80 enfants contaminés l'ont été et nous ne pouvons pas revenir en arrière.

Le patron de Ferrero France dit que les autorités anglaises ont établi une correspondance statistique entre les cas de salmonelle et la consommation de Kinder surprise le 2 avril, et que Ferrero a lancé le rappel de tous ses produits en Grande-Bretagne puis en France dès le lendemain. Que répondez-vous ?

Ils ont été mis dos au mur par les autorités britanniques. Et à partir du moment où elles ont établi une correspondance statistique, Ferrero n'avait d'autre choix que de rappeler les produits. En réalité, ils avaient entendu ces échos de contamination à la salmonelle depuis bien longtemps. Ils ont fait le choix de laisser couler, de sauver leurs intérêts économiques, de sauver Pâques et Noël, et d'attendre qu'on leur mette véritablement les yeux en face des trous pour retirer les produits.

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