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Pourquoi on risque de manquer de chocolat en 2050

La pénurie serait causée par un double effet : d’un côté, l’accroissement de la demande mondiale, et de l’autre, le tarissement de l’offre.

Article rédigé par The Conversation - Jovana Stanisljevic, Grenoble École de Management (GEM)
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Temps de lecture : 7min
Une tablette de chocolat. (ALICE S. / BSIP / AFP)

Plus de chocolat d’ici 2050 ? Le scénario d’une crise majeure serait en tous cas hautement plausible, à en croire plusieurs articles récents. La pénurie serait causée par un double effet : d’un côté, l’accroissement de la demande mondiale, et de l’autre, le tarissement de l’offre.

Commençons par examiner la demande. Le marché mondial du chocolat connaît actuellement une expansion spectaculaire. Il pourrait même doubler en valeur d’ici 2025 par rapport à son niveau de 2015.

Actuellement, plus de la moitié de la production mondiale est consommée en Europe occidentale et en Amérique du Nord. C’est en Suisse, pays dont la réputation en matière de chocolat n’est plus à faire, que l’on en consomme le plus : 8kg par habitant en 2017.

Sur ces marchés développés, le chocolat est bien sûr apprécié pour ses qualités gustatives, mais aussi pour ses bienfaits perçus sur la santé, tels que les effets anti-âges, les effets antioxydants, le soulagement du stress, ou encore la régulation de la pression artérielle, etc.

Nouveaux marchés du chocolat

Si l’Europe et l’Amérique du Nord continuent à tirer la demande, les immenses marchés intérieurs de la Chine et de l’Inde ouvrent d’importantes perspectives de développement. L’essor de la classe moyenne et l’évolution des goûts des consommateurs ont aiguisé les appétits…

L’Inde est actuellement l’un des marchés du chocolat dont la croissance est la plus rapide, avec une demande en hausse constante ces dernières années. En 2016, plus de 228 000 tonnes ont été consommées, soit une augmentation de 50 % par rapport à 2011. Les Indiens se tournent vers tout ce qui est sucré, et le chocolat est devenu en peu de temps l’une de leurs gourmandises préférées.

En ce qui concerne la Chine, à la suite des réformes économiques du début des années 1980, le chocolat était considéré comme une délicatesse rare. En conséquence, il figure moins dans les habitudes de consommation d’un Chinois, qui en consomme moins d’1kg par an en moyenne.

Mais les choses changent. De nouvelles tendances émergent, telles que la Coffee culture à l’américaine qui stimule sa consommation. N’oublions pas non plus que les millions de Chinois riches tendent à acheter en ligne des spécialités étrangères de haute qualité, parmi lesquelles, bien évidemment, le chocolat.

Production de chocolat en voie de disparition

Le tableau est moins rose du côté de l’offre, où les producteurs de cacao, eux, vont mal. Ils souffrent d’abord des maladies et des insectes qui ravagent les cacaoyers. Ces nuisances entraînent des pertes annuelles de 30 % à 40 % de l’ensemble de la production mondiale.

En juin 2018, la Côte d’Ivoire a annoncé qu’elle allait devoir détruire une plantation de cacao de 100 000 hectares contaminée par le virus de la pousse de cacao gonflée pour empêcher sa propagation. Il faudra au moins cinq ans avant que la zone puisse être replantée à nouveau.

Un contexte difficile, auquel il faut ajouter la fluctuation des prix, qui encourage à passer à des alternatives potentiellement plus rentables et plus faciles à produire… L’Indonésie, troisième producteur mondial de cacao, a connu une baisse de sa production de cacao depuis 2010. Le mauvais temps et le vieillissement des cacaoyers ont poussé certains agriculteurs ont transféré leur activité vers des cultures telles que le maïs, le caoutchouc ou l’huile de palme.

Les producteurs regardent vers l’Est

Face à ces menaces générales et aux exigences élevées des nouveaux marchés, les principaux pays producteurs de cacao se sont tournés vers l’est. Le Ghana, deuxième plus grand fournisseur mondial de cacao, tente par exemple d’obtenir un prêt de 1,5 milliard de dollars auprès de la banque chinoise Eximbank pour stimuler sa production. Cette collaboration est d’ailleurs soutenue officiellement par les gouvernements des deux pays.

Les pays producteurs regardent aussi vers le Moyen-Orient. Les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite sont en effet leaders en matière de dépenses pour le chocolat par personne, bien au-dessus de la moyenne régionale. Les consommateurs de ces marchés perçoivent le chocolat comme un symbole de richesse, ce qui stimule la demande de marques haut de gamme.

Le chocolat durable l’est-il réellement ?

Face aux risques de pénurie, les initiatives de développement durable se multiplient : Rainforest Alliance, UTZ, Fairtrade… Des initiatives auxquelles les plus grands producteurs de chocolat prennent activement part.

Mars, le leader mondial en termes de ventes nettes en 2017, a consacré un milliard de dollars à la création de cacao plus résistant à la chaleur. Mondelez International veut également que son cacao soit durable : en avril 2018, sa marque Milka a rejoint Cocoa Life, un programme lancé en 2012 visant à autonomiser les producteurs de cacao.

Bien que ces initiatives constituent un grand pas en avant, les principaux acteurs de la chaîne d’approvisionnement reconnaissent qu’elles ne sont pas suffisantes pour sortir les producteurs de cacao de la pauvreté – l’un des problèmes majeurs auxquels ils sont confrontés. La Côte d’Ivoire, premier pays producteur de cacao au monde, en est l’exemple. Un producteur de cacao UTZ certifié ne gagnera qu’un revenu annuel supplémentaire de 16 % par rapport à un producteur non certifié.

Revenu annuel des ménages en cacao en Côte d’Ivoire. UTZ/ConfectionaryNews

Autre problème : la portée limitée de la certification. Les agriculteurs doivent être membres des coopératives pour bénéficier pleinement du processus. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, seulement 30 % d’entre eux le sont. Enfin, il s’agit de garantir qu’aucun enfant ne travaille sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, ce qui est pratiquement impossible à contrôler.

En Afrique, les producteurs de cacao locaux ont aussi leurs propres projets. Le Ghana et la Côte d’Ivoire envisagent de lancer une organisation semblable à l’OPEP. Ils veulent peser davantage sur les prix mondiaux du cacao en coordonnant les niveaux de production et les politiques de vente entre les pays. En bout de chaîne, les petits producteurs vulnérables aux fluctuations des prix sur le marché mondial seraient mieux protégés.

On constate donc que les principaux acteurs dans le processus de fabrication du chocolat sont les premiers à s’investir dans la recherche de solutions durables face aux risques, bien réels, de "chocapocalypse". Reste à voir si ces solutions suffiront à assurer l’avenir du chocolat.The Conversation

Jovana Stanisljevic, Professor in International Business, Department People, Organization, Society, Grenoble École de Management (GEM)

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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