Hydrocarbures d'huile minérale dans nos aliments : doit-on arrêter de manger des Kinder ?
"Vous ne pouvez pas les voir, ni les sentir, mais elles sont bien là", annonce Johannes Heeg de l'association allemande Foodwatch à propos des huiles minérales. Explications.
Stop aux Kinder. C'est en substance le message lancé par l'ONG allemande de défense des consommateurs Foodwatch, selon qui des traces de composants pétroliers minéraux cancérogènes ont été détectées dans nos aliments. L'alerte sanitaire a été relayée par l'hebdomadaire Der Spiegel. L'association demande aux consommateurs de signer une pétition à l'attention du commissaire européen à la santé et à la sécurité alimentaire, Vytenis Andriukaitis, afin que l'UE interdise ces substances dans les chaînes de production.
Francetv info vous explique l'affaire et si vous devez bannir vos chocolats préférés de vos placards.
Sur quoi porte l'étude et quelles sont ses conclusions ?
Foodwatch a testé sur vingt produits (des friandises et snacks salés de marques telles Kinder, Ferrero, Aldi...) la présence d’hydrocarbures d'huiles minérales, connues sous l'acronyme MOH. Ces composés sont dérivés principalement du pétrole brut, mais peuvent également être produits par synthèse à partir du charbon, du gaz naturel et de la biomasse.
Comment se retrouvent-ils dans nos aliments ? Ils peuvent être utilisés notamment dans les sacs en toile de jute servant au transport des matières premières, dans les encres et cartons servant à l'emballage des produits finis ou bien encore sur les machines servant à produire les aliments, explique 20 minutes.
Selon ces tests réalisés en juillet, Foodwatch explique que les barres Kinder et les nougats de Lindt font apparaître les taux les plus importants de MOH (1,2 mg/kg pour les chocolats Kinder et 0,7 mg/kg pour les produits Lindt). Or, l'ONG affirme que ces substances ne devraient pas être présentes dans les aliments à cause de leur nocivité.
Quel est le problème avec ces substances ?
Les MOAH peuvent endommager l’ADN, s’accumuler dans les tissus et induire des effets indésirables pour le foie, ou même provoquer des cancers. Les enfants sont particulièrement concernés : selon l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), ils sont physiquement plus sensibles aux minéraux que les adultes, d'autant que les produits en cause les visent en particulier dans leur marketing. L'Institut fédéral allemand pour l'évaluation des risques (BFR) considère aussi qu'en raison de son potentiel cancérigène, aucune trace détectable d'huile ne devrait être trouvée dans les aliments.
Johannes Heeg de Foodwatch affirme qu'ils ont informé les producteurs concernés des résultats mais qu'"au lieu de retirer les confiseries des magasins et d'alerter les consommateurs, ils se justifient en disant que leur production respecte les législations nationales". "Vous ne pouvez pas les voir, ni les sentir, mais elles sont bien là", rajoute-t-il avant de recommander de "ne pas acheter ces produits car les niveaux d'huile repérés les rendent impropres à la consommation."
Quelle réaction de la part des producteurs ?
La Fédération allemande des confiseurs (BDSI), à laquelle appartiennent Ferrero, Lindt et Rübezahl (Aldi), s'avoue consciente du problème mais estime que la consommation de chocolats contaminés par ces huiles minérales est "acceptable".
Contacté par francetv info, Ferrero France renvoie à un communiqué. Évoquant un problème complexe qui nécessiterait une concertation européenne sur la question, le groupe agro-alimentaire affirme que "tous ses produits sont conçus avec le plus grand soin et la plus grande attention à la sécurité, conformément aux normes législatives alimentaires strictes dans chaque pays." Il précise aussi qu'ils travaillent "sur des solutions techniques pour minimiser autant que possible ces substances omniprésentes et éviter le transfert et la migration" vers les produits finis. Cette nouvelle polémique ne tombe pas au meilleur moment pour l'entreprise italienne, qui doit déjà faire face au retrait de ses œufs surprise du marché chilien, à la suite d'une nouvelle législation pour combattre l’obésité infantile.
Dois-je abandonner toute idée de manger ces chocolats ?
Difficile à dire de manière si définitive, explique à francetv info Florence Foucaut, diététicienne nutritionniste. Celle-ci explique que si l'étude pointe un possible danger sanitaire, il est nécessaire que les autorités sanitaires déterminent les doses journalières admissibles. "La DJA est la quantité maximale qu'on peut consommer tous les jours jusqu'à la fin de sa vie sans que les composés en question soient nocifs pour notre santé." Ces doses sont évaluées régulièrement par les organisations de santé et n'existent pas pour ces hydrocarbures d'huile minérale.
Florence Foucaut insiste surtout sur le fait qu'il ne faut pas "céder à un discours anxiogène qui pourrait affliger les consommateurs et les patients". Les produits en cause n'étant pas de consommation quotidienne, "l'essentiel est de ne pas en manger en excès et de contrôler l'alimentation des enfants en attendant d'en savoir plus".
Or, même si leur présence dans les aliments était connue, le médecin juge l'initiative de Foodwatch nécessaire pour faire connaître le problème au grand public et motiver les producteurs et législateurs à prendre le sujet en main. "Il faut pousser à une concertation entre les industriels et l'Union européenne", explique-t-elle. La complexité du problème réside dans l'origine des huiles qui migrent dans les aliments : "Il faut revoir toute la chaîne de production et la fabrication des emballages, et tout cela reste du ressort des industriels."
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