Lactalis aurait écoulé 8.000 tonnes de poudre potentiellement contaminées
L'entreprise Lactalis aurait continué à vendre 8.000 tonnes de lait en poudre sortant de l'usine de Craon (Mayenne), épicentre d'une contamination de dizaines d'enfants à la salmonelle, en fin d'année dernière, affirme mercredi le Canard Enchaîné.
L'hebdomadaire s'appuie sur des "documents fournis par la préfecture de Mayenne" récemment rendus publics. Lactalis n'était pas immédiatement joignable mercredi matin, a indiqué l'AFP.
"Les 8.000 tonnes visées par le Canard Enchaîné ont été fabriquées sur la Tour 2 non objet de la contamination et conditionnées sur un circuit d'ensachage indépendant. Aussi en toute transparence avec les autorités, ces produits n'étaient pas concernés par le retrait/rappel", a indiqué Lactalis dans un communiqué "condamnant fermement" des "accusations sans fondement".
Un risque considérable pour la santé publique
"La décision de laisser consommer les 8.000 tonnes de poudre nous a surpris, parce qu'à l'époque on ne savait pas si la tour produisant le lait pour les adultes était elle aussi contaminée. C'était prendre un risque inutile pour la santé publique", a confié au Canard Enchaîné un fonctionnaire de la DGCCRF (direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) qui a requis l'anonymat.
"Il y a une procédure judiciaire en cours par rapport aux faits qui concernaient le lait infantile. Si jamais Lactalis a essayé de frauder par rapport aux consignes qui lui avaient été données, évidemment elle doit être condamnée", a réagi le ministre de la Transition écologique François de Rugy, interrogé sur LCI.
"Irresponsabilité et mépris"
L'Association des familles victimes du lait contaminé à la salmonelle (AFVLCS) qui a également eu accès à ces dossiers, a dénoncé "de nouvelles découvertes pour le moins inquiétantes".
"Alors que tous les produits infantiles fabriqués à l'usine de Craon depuis avril 2017 ont été retirés et rappelés de la vente, suspectés d'être contaminés aux salmonelles, la poudre de lait fabriquée dans la même usine à la même période et destinée aux préparations industrielles (glaces, pâtisseries etc…) a été écoulée sans encombre et sans que quiconque chez Lactalis ne vienne à s'interroger sur sa salubrité", a assuré l'association dans un communiqué. "Ces éléments auraient dû conduire l’entreprise Lactalis à stopper la production et rappeler les produits fabriqués dans l’attente d’une nettoyage en profondeur de l’usine. Une nouvelle fois Lactalis démontre son irresponsabilité et son mépris vis à vis des consommateurs et de leur santé", continue-t-elle dans le même texte.
"Nous allons ajouter ces nouveaux éléments à l’instruction"
L’ AFVLCS pointe du doigt la responsabilité de l’Etat dans cette grave négligence. "Pourquoi les services de l'État se sont-ils limités aux produits infantiles ? Pourquoi Lactalis n'a-t-il pas procédé comme pour les produits infantiles aux retraits/rappels de ces produits potentiellement contaminés aux salmonelles ?", s'interroge le président de l'AFVLCS, Quentin Guillemain. "Nous allons ajouter ces nouveaux éléments à l’instruction en cours qui porte sur la non effectivité des retraits des produits ", ajoute-il.
"Une enquête indépendante doit faire la lumière sur ces nouveaux éléments : y avait il une contamination de cette poudre de lait? Cette contamination a t'elle été dissimulée et par qui? Autant de questions auxquelles des réponses doivent impérativement être données" a de son côté indiqué Me Jade Dousselin, l'Avocate de l'Association.
Fin 2017, 36 nourrissons ont été atteints de salmonellose après avoir bu du lait infantile des marques Picot et Milumel produit dans l'usine de Craon, un scandale sanitaire dont la gestion a été pilotée au plus haut niveau de l'État.
Le ministère de l'Agriculture a annoncé le 18 septembre que le groupe, numéro un mondial du lait, avait été à nouveau autorisé à commercialiser la poudre de lait infantile produite dans cette usine, neuf mois après le début du scandale sanitaire.
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