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Roland-Garros 2023 : "Il y a des matins où je me réveille et j’ai l’impression d’avoir 96 ans", les joueurs de tennis face à la douleur

Durant leur carrière, les joueurs de tennis doivent faire face à des douleurs récurrentes qu'ils doivent gérer sur le court et le long terme.
Article rédigé par Emmanuel Rupied, franceinfo: sport - à Roland-Garros
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Gaël Monfils en larmes sur le court Philippe-Chatrier après sa victoire épique face à Sebastian Baez, le 30 mai 2023. (MAXPPP)

"On peut dire qu'on fait du cinéma de temps en temps, mais là, franchement, j'ai mal !", soufflait Gaël Monfils, goguenard, en conférence de presse, mardi 31 mai, après avoir éjecté Sebastian Baez du premier tour de Roland-Garros au terme d'un combat épique terminé après minuit sur une jambe, et boitillant avec difficulté entre chaque point. Finalement la blessure aura bien eu raison de lui. Touché au poignet gauche, le Tricolore est allé au bout de lui-même, mais il n'ira pas plus loin, contraint de déclarer forfait face à Holger Rune.

La douleur, cet ennemi permanent

Ancienne 135e joueuse mondiale, Alizé Lim se souvient. "J'ai déjà joué avec des déchirures énormes. Une fois même, j'ai évolué sur le court avec une déchirure du ligament au pied le tout sous 35°C au soleil." Un cas qui rappelle celui du Serbe Novak Djokovic qui avait remporté l'Open d'Australie en 2021 avec une déchirure abdominale durant toute la quinzaine. 

Le premier Majeur de l'année a parfois été le lieu de miracles médicaux. Coordinateur de l'entraînement physique au sein de la Fédération française de tennis, Paul Quétin a été le témoin d'un drôle de retournement de situation en 2021 à Melbourne. "J'ai le souvenir de Gilles Simon à l'Open d'Australie. Il se blesse à la cheville juste avant le tournoi et il se balade dans le player lounge en béquilles. Tout le monde pense qu'il va déclarer forfait et il bat au deuxième tour Marin Cilic en cinq sets." 48 heures plus tôt, le Français venait déjà de sortir Daniel Brands après 4h32 de jeu. 

"Je suis avec Nicolas Mahut quand il joue face à John Isner à Wimbledon. Le troisième jour, il se lève et ne peut plus bouger. Il vient à l'entraînement et me dit qu'il ne peut pas jouer. Il avait des courbatures incroyables aux abdominaux. On s'est entraînés sans servir et quand il est arrivé sur le court, il a servi normalement pendant trois heures."

Paul Quétin, préparateur physique à la FFT

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Actuellement classée au 426e rang à la WTA, Marine Partaud résume le quotidien d'un joueur de tennis de haut niveau. "On va chercher ses limites tous les jours. On pousse son corps dans des situations extrêmes." Pour gérer la douleur, le mental est le premier allié. À l'entraînement, faute de l'adrénaline du match, les joueurs poussent l'esprit à s'accoutumer à la douleur. "En tant que préparateur physique, je ne peux pas ignorer cette dimension mentale. On flirte parfois avec le surentraînement. J'ai le souvenir de sorties vélo très longues afin de créer un effort de fatigue extrême sans les blesser pour leur permettre de repousser leurs limites tout en gardant le contrôle", expose Paul Quétin. 

L'humain derrière la machine

Mais le mental a ses limites, comme l'a appris à ses dépens Marine Partaud. "J'avais un championnat du monde au Mexique avec l'équipe de France donc je ne pouvais pas dire non et j'avais voulu trop jouer, retrace la native de Poitiers. J'ai pris trois mois de blessure." La prévention est devenue vitale. Avant chaque entraînement, aucun joueur n'évite les exercices de mobilité, les rouleaux de massage et autres étirements. Durant les matchs, les straps sont aussi comme une deuxième peau pour la plupart. Les avant-bras de Gaël Monfils peuvent en témoigner.

"J'ai le souvenir en Coupe Davis à Moscou, en 2007. Marat Safin ne peut pas jouer le vendredi. Il vient nous voir et nous montre ses mains. Elles étaient en sang, il avait des crevasses partout. Le dimanche, la Russie est malmenée. Safin est sorti du chapeau, les mains bandées de partout et il a joué un tennis incroyable pour mettre trois petits sets à Paul-Henri Mathieu."

Paul Quétin, préparateur physique à la FFT

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Mais quand la prévention ne suffit plus, antalgiques et anti-inflammatoires prennent le relais. Parfois à l'excès. "Les anti-inflammatoires sont une solution parce que ça nous fait pousser des ailes et on se dit qu'on va pouvoir rejouer normalement tout de suite mais ça peut masquer la douleur", explique Alizé Lim.

Les infiltrations sont aussi utilisées. Mais depuis janvier 2022, les infiltrations de glucocorticoïdes sont désormais encadrées par l'Agence mondiale de lutte contre le dopage (AMA) pour éviter les abus et sont considérées comme des A.U.T, autorisations d'usage à des fins thérapeutiques. 

La santé en question

Ces méthodes ne sont pas non plus sans risque sur le long terme. Pour une carrière qui va s'étaler pour les plus solides sur une quinzaine d'années au niveau professionnel, les conséquences sur le plan physique sont multiples. Florent Serra et Thierry Tulasne ont été opérés de la hanche après leur carrière. Si Andy Murray n'a pas attendu pour subir la même opération et opérer un retour intéressant sur le circuit mondial (il est désormais 43e à l'ATP), il a dû déclarer forfait à Roland-Garros.

"En ce moment, j'ai mal au pied, j'ai un bout de cartilage qui est parti. Je ne peux pas servir depuis huit mois", souffle de son côté Alizé Lim. Marine Partaud, elle, appréhende l'avenir. "Il y a des matins où je me réveille et j'ai l'impression d'avoir 96 ans. Des fois, je me demande comment je serai à 50 ans, tellement j'aurais forcé sur mes articulations."

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