Roland-Garros 2022 : des infiltrations dans le pied, "ce n'est pas anodin, Rafael Nadal a pris un risque très important", éclaire une orthopédiste
A l'issue de sa victoire dimanche porte d'Auteuil, l'Espagnol a révélé avoir joué avec un pied gauche insensibilisé pour ne pas souffrir de la douleur qui le handicape de plus en plus.
Il a décroché son 14e titre au bout de la souffrance. L'Espagnol Rafael Nadal a été une nouvelle fois sacré, dimanche 5 juin, à Roland-Garros, au terme de plusieurs semaines compliquées pour son physique. Entre sa blessure aux côtes après Indian Wells, qui a écourté sa préparation sur terre, puis ses douleurs persistantes au pied gauche, l'ancien numéro un mondial a pu soulever la coupe des Mousquetaires, notamment grâce à des infiltrations.
"Je n'avais plus aucune sensation au niveau du pied, parce que mon docteur a pu mettre un anesthésiant au niveau des nerfs et cela a supprimé toutes les sensations au niveau de mon pied", a-t-il expliqué en conférence de presse d'après-match, dimanche. Franceinfo: sport a interrogé Marie-Aude Munoz, chirurgienne orthopédiste, spécialisée dans le pied et la cheville à Montpellier, pour comprendre comment il a pu jouer dans de telles conditions.
Rafael Nadal a expliqué avoir reçu des infiltraitons au niveau des nerfs "pour couper la douleur" et avoir joué sans aucune sensation au niveau du pied. Comment peut-on jouer avec un "pied endormi" ?
Marie-Aude Munoz : Il faut d'abord savoir que vous avez trois types de nerfs : le nerf qui donne la sensation, les nerfs qui vont aller jusqu'aux muscles pour leur donner une commande et les faire bouger, et les nerfs de la douleur. Ensuite, pour que le pied puisse bouger, il y a des muscles dans le mollet et dans le pied. Même si vous ne sentez pas votre pied, vos muscles travaillent quand même, et vous pouvez marcher normalement.
Ce n'est pas tout le pied qui a été endormi. Si Rafael Nadal ne sentait pas du tout son pied, il n'aurait pas pu jouer, ni même marcher. La semelle du pied devait donc être sensible. Il l'a dit d'une manière générale, mais c'est seulement la zone pathologique qui a été endormie, c'est-à-dire certains petits rameaux nerveux sur la zone de sa pathologie de Müller-Weiss, afin de bloquer les nerfs qui remontent l'information de la douleur. Ses muscles fonctionnaient donc puisqu'ils n'ont pas bloqué les nerfs qui font fonctionner les muscles.
L'Espagnol a expliqué qu'il avait "pu jouer pendant ces deux semaines" grâce à ces infiltrations d'un anesthésiant. Y a-t-il un risque de recevoir de telles injections sur deux semaines ?
Oui, ce n'est pas anodin. Il y a le risque que le produit abîme les nerfs de la zone concernée. Dans le pire des cas, il peut y avoir des lésions partielles, c'est-à-dire que le nerf va retrouver la sensibilité, mais comme il a été abîmé, cela va créer encore plus de douleur. Au lieu de vous transmettre l'information "On touche mon pied", le nerf va rapporter l'information "J'ai mal".
Y a-t-il d'autres risques ?
Comme le patient a moins de sensations, il peut pousser son pied un peu trop loin, et risquer de se casser la cheville parce qu'il va faire un mauvais appui, qu'il ne pourra pas contrôler. Le danger, c'est que sur un appui, son pied tourne, et qu'il se fasse une fracture ou une entorse grave.
Nos nerfs sensitifs sont aussi là pour nous arrêter. Il ne faut pas oublier que la douleur est surtout faite pour nous protéger. Rafael Nadal a pris un risque très important, car son corps est son outil de travail, mais ce risque doit être mesuré, ponctuel, et réservé à ce niveau d'activité, et non une pratique à effectuer chez monsieur et madame Tout-le-Monde.
Nadal a aussi annoncé qu'il allait essayer un autre traitement, "par radiofréquence". En quoi ce traitement consiste-t-il ?
Je pense qu'il s'agit d'un essai thérapeutique, d'un traitement qui n'est pas encore reconnu. Car, en ce qui concerne les traitements classiques et validés, il les a déjà tous essayés, je présume. Mais je ne peux pas vous dire en quoi cela consiste.
Etant donné où il en est aujourd'hui, il est à un stade terminal, il va tout essayer. La seule chose qu'on pourrait faire est de lui bloquer les petites articulations qui sont douloureuses, mais en optant pour cette option, personne ne peut lui garantir qu'il pourra retrouver son niveau, ni même rejouer au tennis. C'est pour cela qu'il souhaite essayer d'autres solutions avant celle-ci.
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