Cet article date de plus d'un an.

Investissements dans les énergies fossiles : la BNP-Paribas dans le collimateur des ONG

Tous les samedis on décrypte les enjeux du climat avec François Gemenne, professeur à HEC, président du Conseil scientifique de la Fondation pour la nature et l'homme et membre du GIEC. Samedi 25 novembre : la BNP-Paribas, à qui on reproche ses investissements dans les énergies fossiles, et qui estime qu’elle fait l’objet d’un mauvais procès.
Article rédigé par franceinfo - François Gemenne
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Une agence de la BNP-Paribas à New York (Etats-Unis) en 2020. Photo d'illustration (ANGELA WEISS / AFP)

La BNP-Paribas est sous le feu des projecteurs des ONG depuis quelque temps. Il y avait d’abord eu, au début de l’année, une assignation en justice par des ONG qui reprochaient à la banque de financer de nouveaux projets d’énergies fossiles. Puis il y a eu cette tribune d’étudiants d’universités et de grandes écoles, qui déclaraient ne pas vouloir travailler pour la BNP, précisément à cause de ses financements.

Face à cela, la BNP met en avant ses engagements dans le financement des énergies bas carbone, qui tournent désormais autour de 30 milliards d’euros, dont environ 25 milliards d’euros pour les renouvelables, et BNP promet de porter ce chiffre à 40 milliards d’ici 2030. Ce n’est pas rien : aujourd’hui déjà, les financements des énergies bas-carbone par la BNP sont de 20% supérieurs aux financements fossiles.

Que reproche-t-on à BNP-Paribas ?

Deux choses : d’abord, on lui reproche de ne pas aller assez vite dans sa trajectoire de sortie des énergies fossiles. Il y a des engagements qui ont été pris, notamment sur la sortie définitive du charbon d’ici 2030, ou sur l’arrêt du financement de nouveaux champs pétroliers et gaziers. Mais il reste encore un en-cours de crédit très important sur les énergies fossiles : la BNP est la première banque européenne, donc évidemment c’était aussi le premier bailleur de fonds du secteur de l’énergie fossile en Europe.

La deuxième chose qu’on lui reproche, c’est de continuer à financer certains projets pétroliers et gaziers non pas au travers de prêts directs, mais en facilitant l’émission d’obligations financières qui permettent à des investisseurs privés de financer de nouveaux projets d’expansion, notamment les fameuses bombes climatiques. Rien qu’en 2022, on a ainsi accordé 86 milliards d’euros en émissions d’obligations pour des projets d’expansion fossile.

C'est un problème global : toutes les grandes banques le font. Si on regarde les chiffres mondiaux, chaque année, les plus grandes banques du monde financent la production d’énergies fossiles pour un montant qui tourne autour de 750 milliards de dollars. Et cela s’ajoute aux subventions des Etats pour la consommation des énergies fossiles, qui ont carrément explosé tous les plafonds avec la crise énergétique de l’hiver dernier : en 2022, les montants de ces subventions ont dépassé les 1 100 milliards de dollars. Des avantages fiscaux, des plafonds tarifaires, des chèques énergie…

Tout cet argent n’est pas investi dans la transition énergétique

Et c’est le cœur du problème, parce que la transition énergétique, c’est avant tout une affaire d’investissements. Le rapport annuel de l’Agence Internationale de l’Energie sur les investissements dans l’énergie nous signale que les investissements dans la transition énergétique sont cette année en hausse pour la 7e année consécutive, autour de 1 700 milliards de dollars. Le problème, c’est que l’essentiel de ces investissements dans la transition énergétique ont lieu en Chine, en Europe et aux Etats-Unis, avec respectivement 180, 150 et 100 milliards de dollars d’investissements. 

"Les pays du Sud restent les parents pauvres des investissements dans la transition, alors que c’est sans doute là que ces investissements sont les plus nécessaires."

François Gemenne

sur franceinfo

Cela s'explique, souvent, par une plus grande instabilité politique et donc financière, qui justifie la frilosité des investisseurs. Les investissements sont moins sûrs, et les marchés détestent l’incertitude. À mon avis, c’est peut-être le plus grand reproche qu’on peut faire aux banques : celui de se concentrer sur les pays industrialisés quand il s’agit de la transition, mais de ne pas hésiter à investir dans les pays du Sud quand il s’agit d’extraction d’énergies fossiles.

Les investissements dans les énergies fossiles continuent à augmenter

C’est l’autre point noir : il y a aujourd’hui davantage d’investissements dans les énergies décarbonées que dans les énergies fossiles, certes, mais ces derniers restent très hauts, et surtout ils continuent à augmenter. Et cela veut dire qu’il reste encore du chemin pour la transition. Personne ne propose d’arrêter de financer les énergies fossiles du jour au lendemain, mais si le niveau d’investissement continue à grandir année après année…

C’est là que les banques jouent un rôle crucial : ces investissements sont réalisés, en grande partie, avec l’argent que nous, épargnants, déposons dans les banques. Et donc, à notre niveau, le geste le plus utile et efficace que l’on puisse faire pour le climat, si on a un peu d’épargne, c’est sans doute de se demander sérieusement comment est investi notre argent : est-ce qu’on veut vraiment que notre argent finance en semaine les projets fossiles contre lesquels on va s’indigner sur les réseaux sociaux le week-end ?

Retrouvez cette chronique en vidéo : 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.