Futur climatique : "L'action de la France dans la décarbonation de l'économie mondiale est absolument capitale", souligne François Gemenne

Tous les samedis on décrypte les enjeux du climat avec François Gemenne, professeur à HEC, président du Conseil scientifique de la Fondation pour la nature et l'homme et membre du GIEC.
Article rédigé par franceinfo - François Gemenne
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Les émissions domestiques de carbone ont beaucoup baissé en France, mais il faut aussi prendre en compte le bilan carbone des produits importés. Photo d'illustration. (RON LEVINE / STONE RF)

Lorsqu'on parle de responsabilité face au changement climatique, l’un des arguments qu’on entend souvent est que la France ferait déjà bien plus que sa part, et ne représente de toute façon que 0,9% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. C'est surtout "l’argument massue de ceux qui ne veulent rien faire", répond François Gemenne à ceux qui se contentent de lever les mains en tournant leurs regards vers la Chine, l'Inde ou les États-Unis.

François Gemenne : On ne peut pas nier, effectivement, que notre futur climatique dépend largement de ce qui se décide aujourd’hui à Pékin, Delhi ou Washington, et demain au Caire, à Lagos, à Brasilia ou à Djakarta. Mais on oublie souvent que nous sommes loin d’être les seuls à agir, et que les émissions sont en baisse dans la quasi-totalité des pays industrialisés. Ce préalable étant posé, je voudrais vous expliquer maintenant pourquoi l’action de la France est absolument capitale pour la décarbonation de l’économie mondiale.

Le poids des produits fabriqués à l'étranger mais consommés en France

D’abord, il y a environ 200 pays dans le monde qui peuvent chacun revendiquer de représenter moins de 1% des émissions mondiales. De plus, en France, si on compte les émissions produites sur le territoire national sur une année donnée, effectivement, on arrive à 0,9%. Mais si l’on prend en compte les émissions importées, c’est-à-dire les émissions liées à des produits consommés en France mais fabriqués à l’étranger, notre bilan carbone fait un bond énorme, puisque ces émissions importées représentent environ 40% de nos émissions. De même, si vous prenez les émissions par habitant, par exemple, on est à 9 tonnes équivalent carbone par habitant, c’est-à-dire à peu près le même niveau que la Chine.

"Si on compte nos émissions historiques, et pas seulement celles de 2024, puisque le changement climatique est un problème d’accumulation, la France arrive au 12e rang mondial dans le classement des responsabilités."

François Gemenne

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Le raisonnement selon lequel chaque pays doit faire sa part est piégeux, parce qu’on est face à un problème global. Chaque dixième de degré compte, et donc on ne s’en sortira pas si chacun se contente de faire sa part dans son coin, à l’intérieur de ses frontières.

L'importance des entreprises françaises à l'international

Et si non seulement on a les moyens d’en faire plus que notre part, c’est aussi dans notre intérêt, si on veut être bien positionnés dans l’économie du XXIe siècle. D’abord parce que la France conserve une certaine influence sur la scène internationale, même si elle a beaucoup diminué. C’est quand même le réseau diplomatique qui a permis l’Accord de Paris.

Mais surtout, la France possède un très grand nombre d’entreprises multinationales qui sont au cœur des enjeux de la transition. Il y a BNP Paribas, première banque européenne, Lafarge Holcim, géant du ciment – le ciment qui représente à lui seul 7% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. On a aussi Carrefour, avec plus de 14 000 supermarchés dans le monde. Sans oublier Stellantis et Renault, deux géants de l’automobile, et évidemment TotalEnergies. Voilà pourquoi la France peut jouer un rôle clé dans la décarbonation de l’économie mondiale. Et voilà pourquoi elle contrôle bien plus que 0,9% des émissions mondiales.

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