COP sur la biodiversité, le climat, la désertification... Comment rendre ces réunions internationales plus efficaces ?

Tous les samedis on décrypte les enjeux du climat avec François Gemenne, professeur à HEC, président du Conseil scientifique de la Fondation pour la nature et l'homme et membre du GIEC.
Article rédigé par franceinfo
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La COP29 sur le climat s'est tenue en Azerbaïdjan en novembre 2024 (ALEXANDER NEMENOV / AFP)

Quelques jours après la fin de la COP29, à Bakou, une autre COP s’ouvre : cette fois sur la désertification, à Riyad.

François Gemenne : Cette année est inhabituelle, parce qu’on a trois COP qui s’enchaînent l’une après l’autre : la COP16 sur la biodiversité, qui a eu lieu en octobre à Cali en Colombie, la COP29 sur le climat, qui s’est achevée la semaine dernière à Bakou, et maintenant la COP16 désertification, qui s’ouvre ce week-end. Ce n’est pas courant que les trois COP aient lieu la même année, parce qu’elles n’ont pas la même périodicité : les COP sur le climat sont annuelles, tandis que les deux autres sont biannuelles, ce qui explique qu’elles ne portent pas le même numéro. Les COP désertification avaient lieu les années impaires, mais il y a eu un décalage en 2021 à cause du Covid, ce qui explique que l’automne de cette année soit si chargé.

Si vous ajoutez la négociation sur le plastique, qui se termine aujourd’hui à Busan en Corée du Sud, et le sommet sur l’océan qui aura lieu l’an prochain à Nice, on ne sait plus où donner de la tête…


franceinfo : Ne serait-il pas plus rationnel de fusionner ces réunions, notamment pour avoir une approche globale et systémique 

Ce n’est pas si simple, en réalité. Les trois COP ont été créées en même temps, lors du Sommet de la Terre de Rio, en 1992. Lors du sommet, on va conclure trois conventions-cadres, qui vont structurer la coopération sur les trois grands problèmes environnementaux identifiés à l’époque : le climat, la biodiversité, et la désertification. Et les COP sont simplement les réunions périodiques des parties à ces conventions : conférence des parties, conference of the parties en anglais : COP. Et à l’époque, on considère qu’il sera plus facile de traiter les problèmes un à un, et de ne pas tout mélanger. Cinq ans auparavant, on a conclu le Protocole de Montréal sur le trou dans la couche d’ozone, qui a été un succès, et on est donc très confiants dans la capacité de la coopération internationale à résoudre ces problèmes. Mais les COP ne vont pas avancer au même rythme, la COP climat va très rapidement conclure le Protocole de Kyoto, et elle va peu à peu faire de l’ombre aux deux autres…

Qu’est-ce qui empêche de les fusionner ?

La coopération internationale est organisée de façon très différente sur les différents sujets : les responsabilités sont différentes, les mécanismes de financement aussi… On n’est pas du tout dans les mêmes dynamiques. Et il faut bien dire aussi que si on les fusionnait, il y aurait un grand risque que le climat absorbe tout : le changement climatique aggrave la désertification et est un facteur important dans l’érosion de la biodiversité, il y aurait donc sans doute une tentation de tout réduire au climat, qui invisibiliserait encore davantage les autres problèmes.

Est-ce qu’on ne pourrait quand même pas rendre ces conférences plus efficaces ? On est tout le temps déçus du résultat final…

On est surtout déçus, en réalité, parce qu’on place trop d’attentes dans le résultat final : on attend un accord final et définitif qui règlera le problème, un peu comme le Protocole de Montréal avec la couche d’ozone. Mais on est ici face à des problèmes de long terme, qui nécessitent une gouvernance internationale organisée dans le long terme : on n’aura jamais une COP finale et définitive. On a donc souvent une vision très défaitiste de ces COP, qui contribue à nourrir une déception permanente – et attendue.

Il faut quand même rappeler que ça reste à chaque fois un petit miracle, dans le contexte géopolitique du moment, de parvenir à réunir l’ensemble des pays pour discuter ensemble de solutions à des problèmes communs. Alors bien sûr on avance lentement, très lentement : c’est sûr que tout paraissait plus simple en 1992, à l’époque du Sommet de Rio. On sortait de la guerre froide, l’URSS n’existait plus, les Jeux olympiques de Barcelone réunissaient l'Est et l'Ouest, et on parlait de village global pour désigner la mondialisation…

Est-ce que cela ne crée pas une certaine forme de découragement, si on a l’impression que rien n’avance ?

Si, bien entendu. À mon avis c’est l’effet le plus dangereux. C’est pour ça qu’il faudrait essayer de rendre les COP plus efficaces, par exemple en abolissant la règle du consensus, et en permettant d’approuver des décisions au vote. Parce que pour le moment, il n’y a pas de vote : toutes les décisions doivent être approuvées par tout le monde, vous imaginez la difficulté… Au départ cette règle était censée protéger les petits pays, mais c’est devenu un véritable droit de veto utilisé par les pays les moins ambitieux.

On pourrait encourager des logiques de coalition, qui permettent à certains pays de s’engager davantage sur certains sujets. Et on pourrait aussi réfléchir sérieusement à la manière dont on désigne le pays-hôte… Il y a plein de choses à faire, vraiment : et il faut les faire, parce qu’il y aura encore de nombreuses COP, et qu’elles ne peuvent pas se transformer en machines à décevoir.

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