Sur les routes de l'Europe. Direction Venise et l'Italie du Nord, au pays de la Lega de Salvini
Chaque jour jusqu'au 26 mai, franceinfo prend la route pour faire découvrir nos voisins européens et dialoguer avec la jeunesse qui fera l"Europe de demain. 10 villes pour 10 étapes et un "roadtrip" européen. Aujourd'hui, l'Italie et Venise.
Britney Spears est-elle de bon augure ? En sortant du tunnel du mont Blanc, la FM italienne crache Baby One More Time et annonce une soirée spéciale sur la chanteuse américaine, mercredi prochain. Voici donc l’hymne m’accueillant de l’autre côté des Alpes, la récompense après six heures de routes depuis Paris. La première musique de cette fugue sur le bitume européen. En descendant jusqu’à Milan, le paysage change. D’abord un peu de neige sur de haut sommet et de lourdes maisons accrochées à flanc de montagne.
Quelques châteaux esseulés et des cascades d’eaux fraîches ponctuent un paysage en cinémascope. Puis viens le XXIe siècle, la deux voies se fait quatre et les premières "zones" apparaissent. D’abord artisanales, elles deviennent industrielles en s’approchant de la capitale de la région Lombarde. Venise est notre but mais le détour par Milan s’impose. Ville riche, elle aime briller. Au fil des rues, on découvre une cité sur tapis rouge, fière d’être une capitale sophistiquée, où les amateurs de modes se disputent les terrasses avec les fans de design. Pourtant, notre immersion en populisme commence là, loin du paraitre et des discussions artistiques. Milan, ville de centre gauche, est le fief de Matteo Salvini. Il y est né, y a grandi et occupe un siège de conseiller municipal pendant 20 ans. Aujourd’hui, le ministre de l’Intérieur italien fait trembler l’Europe en se rêvant "Il Capitano" des droites radicales du continent.
Radio Padinia, la radio de le Ligue du Nord
Pendant quatre ans, l’homme en campagne permanente a animé une émission de libre antenne sur radio Padania Libera, la petite radio de la Ligue du Nord, mouvement régionaliste dont Salvini est l’un des visages les plus connus. La station se trouve en bordure d’autoroute, à côté d’un bâtiment militaire."Une ancienne usine de produit chimique" explique Giulio Cainarca, président de Padania Libera.
Il me guide dans les méandres du complexe où fleurissent les affiches de Matteo Salvini invitant à aller voter pour son parti, la Lega, aux élections européennes. Nous nous enfonçons dans un bâtiment en sous-sol aux murs défraîchis, où trônent quelques slogans anti-immigration et des photos de l’actuel ministre de l’Intérieur, toujours souriant, chemise ouverte, bracelet brésilien au poignet droit. Plus que le père de la nation, Salvini s’imagine le bon copain de la nation. Un petit studio, une régie minuscule et des auditeurs appelant toute la journée afin de critiquer les choix économiques ou l’accueil des migrants. La liberté est totale, aucun filtre. C’est dans ce studio que Matteo Salvini a développé son goût pour les punchlines, les slogans violents envers les Roms ou les Africains, sa passion pour l’effacement de la ligne rouge. Plus c’est gros, plus c’est simple, plus ça passe.
"La gauche devrait relire Marx"
Giulo Cainarca souhaite, à l’image de la Ligue du Nord transformée en Lega, séduire le sud du pays. Il compte se développer et pourquoi pas changer le nom de Padania Libera. En me raccompagnant, Cainarca m’explique que la gauche devrait relire Marx mais également ouvrir les yeux sur les migrants. Devant nous, deux énormes camions siglés des affiches de la Lega s’élancent vers les faubourg de Milan, ils prennent à gauche, nous tournons à droite, direction Venise.
Entre les deux villes, trois heures de routes. Une campagne heureuse, des vignes grasses, des campaniles dressés en haut de vertes collines. Botticelli y perdrait ses pinceaux. Dans cette plongée en Lega, nous traversons des villes où le parti d’extrême droite fait de nombreux adeptes. En apercevant le panneau Vérone, nous pensons à la polémique récente autour du Congrès mondial de la famille. Fin mars, le petit monde des ultra-conservateurs s’est réuni dans cette ville afin de débattre de la place des familles dans la société. Manifestations et polémiques divers n’ont pas empêché le bouillant ministre de l’Intérieur d’y tenir audience. Matteo Salvini aime le scandale, qu’importe la scène, il faut tenir son rôle.
En arrivant à Venise, la pluie redouble. Devant nous, c’est un défilé de vêtements anti-pluie qui envahit la Sérénissime. Des cirés jaunes, des imperméables bleus, des capuches orange. A Venise, quand il pleut, les couleurs sortent. La cité semble loin de l’Italie et des élections. Pourtant, la région à laquelle elle appartient, la Vénétie, est gérée par la Lega mais à l’ancienne. Son président Luca Zaia n’est pas un grand supporter des dérapages de son chef de parti, il fait avec. À Venise, la politique culturelle ne subit pas les dérives droitières du parti. Certaines villes en souffrent, pas celle-ci. Sur place, nous rencontrons Mattia Agnelli. Il s’occupe des musées municipaux de la ville et dit ne pas craindre la victoire de la Lega lors des prochaines élections européennes. Pour lui, cette poussée de fièvre extrémiste peut apporter du débat et faire que quelque chose de bien en sorte.
De lourds nuages noirs s’amoncellent au-dessus de la place Saint-Marc. Les touristes se précipitent à l’intérieur de la cathédrale, d’autres tentent une photo avec des pigeons gourmands. À Venise règne toujours l’insouciance, l’idée que l’art peut résister à tout et sauver de tout. C’est une leçon qu’il nous faut garder pour le reste du voyage, être léger face à l’orage qui vient.
Venise, Zagreb, Budapest, Vienne, Prague, Copenhague, Hambourg, Amsterdam, Luxembourg, Bruxelles... franceinfo prend la route pour faire découvrir nos voisins européens et dialoguer avec la jeunesse qui fera l'Europe de demain. Tous les jours à la radio (6h50 et 8h25) et à la télévision canal 27 avec Jean-Mathieu Pernin et Christophe Gascard.
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