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Un monde d'avance. En Chine, le procès d'une vedette de la télévision peut relancer le mouvement #MeToo

Un présentateur vedette de la télévision est poursuivi pour harcèlement sexuel. En jeu : l’avenir du mouvement pour les droits des femmes en Chine, mis sous l’éteignoir par le pouvoir.  

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Zhou Xiaoxuan répond à des questions lors d'une interview chez elle à Pékin le 2 décembre 2020. (NOEL CELIS / AFP)

Dans le box : Zhu Jun, une figure bien connue de tous les téléspectateurs chinois. Il a notamment animé par le passé la grande soirée de gala du Nouvel An, l’une des émissions de télévision les plus regardées au monde. Zhu Jun est accusé par une jeune femme de 27 ans, Zhou XiaoXuan. Les faits remontent à 2014, la jeune femme, alors âgée de 21 ans, était stagiaire à la télévision, et elle affirme que le présentateur l’a agressée dans une loge d’habillage en lui faisant miroiter du travail.

La jeune femme a longtemps gardé le silence. Mais il y a deux ans, lorsque l’affaire Weinstein a éclaté aux États-Unis, elle a raconté l’histoire sur son compte privé WeChat. L’affaire s’est retrouvée ensuite sur le grand réseau social chinois WeiBo et a déclenché une première tempête. Le présentateur nie catégoriquement les faits. Il a même porté plainte à son tour pour diffamation. Et il a donc fallu deux ans pour que toute l’affaire arrive devant les tribunaux, mercredi 2 décembre à Pékin.  

La censure de #MeToo

L’objectif du pouvoir chinois a toujours été jusqu’à présent de minimiser ces affaires de harcèlement en multipliant les écueils pour les plaignantes. En l’occurrence, la jeune femme raconte avoir été très mal accueillie par la police lorsqu’elle a porté plainte. Les officiers lui ont même reproché de vouloir porter atteinte à la réputation du présentateur vedette. Ce n’est qu’un exemple. À chaque fois qu’une affaire de ce genre a éclaté en Chine depuis deux ans, les obstacles sont les mêmes : dédain des policiers, absence de formation des magistrats, solidarité masculine dans les élites, parfois même arrestation de la plaignante pour d’autres motifs, et surtout censure du pouvoir.

Par exemple, il est impossible d’utiliser le mot dièse #MeToo ou #Yewoshi sur les réseaux sociaux en Chine. Toutes les publications comportant ces hashtags ont été supprimées. Plusieurs activistes ont d’ailleurs contourné la difficulté de façon originale. Ils utilisent les émojis du riz et du lapin. Parce que phonétiquement, en mandarin, les mots riz et lapin, mis côte à côte, ça se prononce "Mi Tu" (metoo). Les militants des droits des femmes espèrent donc que ce procès va médiatiser leur cause. Une centaine de personnes se sont d’ailleurs réunies mercredi devant le tribunal, en soutien à la jeune femme. La police les a dispersées, dans le calme.  

Un nouveau Code civil

Les plaintes ont longtemps été noyées dans le cadre d’une loi assez floue sur la protection des droits de l’individu. Et ça n’a donc abouti que très rarement à des procès : seulement 34 en 8 ans selon une ONG spécialisée. Les choses sont peut-être en train de changer, grâce à l’adoption d’un tout nouveau Code Civil, qui s’apprête à entrer en vigueur en janvier. Il clarifie la définition du harcèlement sexuel. Et il incite les entreprises, privées ou publiques, à lutter contre le phénomène. Selon une enquête de 2018, seulement 7 des 100 principales entreprises chinoises ont mis en place une politique de prévention en la matière. On comprend donc aisément pourquoi les victimes hésitent à porter plainte.      

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