Un accord de paix après 17 ans de guerre au Soudan
Ce grand pays d'Afrique de l’Est vient de connaitre un événement historique qui vise à mettre notamment fin au conflit dans la région ensanglantée du Darfour.
Un traité de paix, c’est suffisamment rare pour qu’on s’y arrête, a fortiori quand il met fin à un conflit sanglant et interminable : plus de 300.000 morts et plus de 3 millions de déplacés depuis 17 ans. Dans ce pays, le Soudan, grand comme 3 fois la France et qui est une zone charnière entre l’Afrique et le Moyen-Orient, cet accord, signé dans la liesse ce 3 septembre, et avec l’aval de nombreux parrains internationaux, vise à mettre fin à la rébellion dans les régions du Darfour, du Kordofan et du Nil Bleu. Il a été ratifié par le pouvoir en place à Khartoum, la capitale, et par neuf mouvements d’opposition regroupés au sein du FRS, le Front Révolutionnaire du Soudan.
Cet accord a le mérite de ne pas mettre la poussière sous le tapis. Il aborde tous les sujets qui fâchent : le partage du pouvoir avec les anciens groupes rebelles, l’accès aux terres pour les groupes nomades, le retour des réfugiés et des déplacés ou encore la mise en place d’une justice de transition et d’un mécanisme de réparation pour les victimes. Quant aux hommes enrôlés dans les mouvements de rébellion, ils pourront être intégrés progressivement dans l’armée régulière. En fait, au-delà de ce conflit au Darfour et au Kordofan, le Soudan a toujours connu la guerre depuis près 40 ans. Aujourd’hui, l’espoir est là que la paix s’installe enfin.
La conséquence de la chute du dictateur El Bechir
C’est aussi la conséquence du bouleversement politique au sein du pouvoir au Soudan, après la chute du dictateur Omar El Béchir l’an dernier : un soulèvement démocratique exemplaire, qui a mis fin à 30 ans de pouvoir d’El Bechir, en avril 2019. Les mois qui ont suivi ont été un peu chaotiques, avant la mise en place à l’été 2019 d’un Conseil de transition regroupant des militaires et des civils. Et ce Conseil s’était donné pour premier objectif de rétablir la paix dans le pays. Cette mission a été accomplie en un an.
Dans le même temps, le Conseil de transition a déclenché le procès d’Omar El Béchir. Et il a engagé plusieurs réformes, qui témoignent d’une prise de distance avec la loi islamique : abolition de la peine de mort pour apostasie, pénalisation de l’excision, autorisation donnée aux non-musulmans de boire de l’alcool, etc. Les militaires maintiennent aussi leur engagement de restituer totalement le pouvoir aux civils d’ici deux ans.
170% d'inflation en un an
Pour autant, ça ne veut pas dire que la paix sera facile à mettre en œuvre pour deux raisons. La première, c’est que deux groupes rebelles n’ont pas signé l’accord. La seconde et la principale, c’est que le Soudan est dans une situation économique catastrophique : pénuries de nourriture, de produits de santé, de carburant. D’autant qu’il a perdu les trois quarts de ses ressources pétrolières après la partition avec le Soudan du Sud en 2011. L’endettement est très élevé, la pauvreté endémique, l’inflation incontrôlée : +170% en un an. Le pouvoir de Khartoum réclame une aide internationale, et une levée des sanctions américaines qui visent toujours le pays pour soupçon de financement de terrorisme. Sinon le Soudan aura du mal à honorer ses promesses vis-à-vis des groupes rebelles, notamment une répartition plus équitable des ressources.
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