Russie : Alexeï Navalny entame une grève de la faim, un nouveau défi au pouvoir de Vladimir Poutine
Le bras de fer entre le pouvoir et l’opposant connaît un nouveau rebondissement avec cette décision de Navalny qui est en camp de détention.
Alexei Navalny l’a annoncé ce 31 mars au soir, via les réseaux sociaux. D’ailleurs on se demande comment il parvient à transmettre ces messages, vu qu’il se trouve dans le camp de Pokrov, l’un des plus stricts de tout le pays. Et cette décision peut surprendre parce que Navalny, jusqu’à présent, avait toujours écarté l’idée d’une grève de la faim, en la considérant comme la toute dernière extrémité, l’ultime recours. C’est dire s’il doit se sentir acculé.
Navalny, depuis sa condamnation à deux ans et demi de prison dans la foulée de son retour à Moscou en janvier, se dit victime de "torture par privation de sommeil" dans ce camp de haute sécurité. Il affirme souffrir de douleurs dans le dos et les deux jambes, et être réveillé par ses gardiens toutes les heures pendant la nuit. Il ajoute réclamer un examen médical, mais ne l’obtient pas. Cela explique aussi cette décision radicale d’engager une grève de la faim. Quelque 500 médecins russes ont d’ailleurs signé une pétition en ligne pour exiger de le voir examiné par un docteur indépendant.
L’entourage de Navalny se dit très inquiet, se demande même si ces douleurs ne sont pas la conséquence d’un nouvel empoisonnement. Puisque, on s’en souvient, l’opposant avait déjà fait l’objet d’un empoisonnement en août dernier, et les services secrets du Kremlin sont fortement soupçonnés d’en être les auteurs.
Le déni des autorités russes
En face, le pouvoir russe fait la sourde oreille. Selon les autorités pénitentiaires, Navalny est correctement traité, il est "dans un état stable et satisfaisant avec toute l’assistance médicale nécessaire". Et il peut dormir 8 heures par nuit, comme tous les détenus. La commission de surveillance des prisons a même renchéri en ajoutant que l’opposant "simule". Quant au Kremlin, il ne dit rien. Son commentaire officiel, c’est "aucun commentaire". Le pouvoir russe ne veut pas donner l’impression d’accorder trop d’importance à l’homme qui est devenu l’incarnation de l’opposition à Vladimir Poutine.
En Occident, l’inquiétude est manifeste. Les grandes capitales, Washington, Berlin, Londres, Paris, toutes se disent préoccupées par l’état de santé de Navalny.
Un camp de sinistre réputation
Il n’y a pas de quoi être optimiste pour l’opposant. L’état des prisons russes est catastrophique : l’Onu l’avait dénoncé il y a trois ans en soulignant les nombreux décès, les cas de torture, et l’entassement des prisonniers. En plus il y a un précédent : la mort en détention de l’avocat Serguei Manitsky en 2009 après une pancréatite qui n’avait pas été traitée.
Ajoutons que le camp de Pokrov, où se trouve Navalny, a mauvaise réputation. Les conditions de détention y sont très dures, plusieurs témoignages le confirment. L’idée du Kremlin, c’est sans doute de laisser Navalny croupir en prison, en espérant qu’on l’oublie progressivement. Mais en le maintenant en vie, pour éviter un trop gros scandale. Et quitte à le nourrir par la force, comme le pouvoir russe avait déjà essayé de le faire avec un autre opposant, le metteur en scène ukrainien Oleg Sentsov.
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