Mozambique : l'ONU alerte sur la situation humanitaire et la poussée islamiste
Ce pays du sud de l'Afrique dont on parle rarement est l’un des nouveaux terrains d’action du groupe Etat islamique. Les Nations Unies tirent la sonnette d’alarme.
Il va falloir apprendre à situer le Mozambique sur une carte. Ce pays un peu plus grand que la France est en train de basculer dans l’horreur. Situé au sud-est de l’Afrique, en face de la grande île de Madagascar, entre Tanzanie et Afrique du Sud, il fait l’objet d’un rapport très inquiétant du Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU, rendu public lundi 22 mars.
Islamisme, épidémies et catastrophes naturelles
Selon le HCR, la situation humanitaire dans le nord du Monzambique est "désespérée". Dans ce pays de 30 millions d’habitants, la région de Cabo Delgado compte à elle seule 670 000 déplacés. Et plusieurs zones sont inaccessibles. Ces réfugiés, pour la plupart, fuient, le plus souvent à pied, pour tenter d'échapper aux combats initiés par le groupe Ansar al Sunna, qui revendique son affiliation à Daech, l’Etat Islamique. Ils n’ont pas de travail, pas grand-chose à manger. Pour ne rien arranger, la région est sous la menace des cyclones, des inondations, et des épidémies, le choléra et bien sûr le Covid-19.
Ansar al Sunna monte en puissance dans la région. On y a prêté peu d’attention jusqu’à présent. Vue de France, la menace islamiste en Afrique est perçue comme essentiellement concentrée à l’ouest, au Mali, au Burkina, au Niger et au Nigéria. Mais l’Afrique de l’est n’est pas épargnée. Le mouvement Al Shabab, lié à Al Qaida, existe depuis longtemps en Somalie. Et voilà trois ans, ce nouveau groupe est donc apparu au Mozambique, où on le surnomme aussi Al Shabab, qui veut dire "les jeunes", même si il est sans lien avec le mouvement en Somalie.
Une région riche en gisements gaziers
Ce mouvement, lié au groupe Etat Islamique, ne cesse de prendre de l’ampleur. Son essor rappelle un peu celui de Boko Haram au Nigéria il y a quelques années. Il revendique déjà 700 attaques en trois ans, qui ont provoqué la mort de 2 600 personnes. Et il est ultra-violent : enlèvements de femmes et mariages forcés, décapitation des opposants, y compris d’enfants et d’adolescents. Il veut imposer la charia dans cette région nord du Mozambique à majorité musulmane et se montre de plus en plus audacieux dans ses attaques. Ce qui inquiète l’Onu, c’est le risque d’un cercle vicieux. Les réfugiés fuient les terroristes mais comme ils se retrouvent démunis et sans travail, certains sont tentés de rejoindre les islamistes.
Le paradoxe, c’est que la région est potentiellement très riche. C'est un paradoxe fréquent en Afrique, où souvent par le passé, on a évoqué une "malédiction de l’or noir". En l’occurrence, on a découvert dans le nord du Mozambique des gisements de minerais (des rubis) et surtout d’énormes gisements offshore de gaz. Une manne gigantesque.
Sauf que l’argent pourrait aller surtout dans la poche des nombreuses multinationales prêtes à investir dans ces gisements gaziers. Et dans la poche des dirigeants du parti au pouvoir depuis un demi-siècle au Mozambique, le Frelimo, qui favorise plutôt les chrétiens du sud au détriment des musulmans du nord, où plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté. C’est cela aussi que sous-entend ce rapport du HCR : si ces nouvelles sources de richesse ne profitent pas aux populations rapidement, le groupe Etat islamique va prospérer durablement dans la région.
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