Les paris du président sénégalais Macky Sall
Réélu il y a un mois, il a prêté serment en grande pompe jeudi 2 avril, et pourrait accomplir rapidement un geste politique symbolique, faire libérer l'un de ses principaux rivaux.
Macky Sall n’a pas fait les choses à moitié. Réélu dès le 1er tour il y a un mois avec 58% des voix, le président sénégalais avait invité pas moins de 4 000 convives pour cette prestation de serment au Centre des expositions de Diamniadio à Rufisque, dans la grande banlieue de la capitale Dakar. Pas moins d’une vingtaine de chefs d’Etat avaient fait le déplacement, dont la plupart des dirigeants africains : l’ivoirien Ouattara, le rwandais Kagame, le malien IBK, etc. Plusieurs anciens dirigeants européens étaient également présents, par exemple Nicolas Sarkozy ou Tony Blair. En revanche, et ce n’est pas un hasard, tous les dirigeants de l’opposition sénégalaise avaient décliné l’invitation. Ils estiment pour la plupart que le scrutin était "un simulacre d’élection", ce sont les termes employés par l’ancien président Abdoulaye Wade, le prédécesseur de Macky Sall.
Un opposant interdit de se présenter mais bientôt gracié
Le scrutin en tant que tel s’est déroulé correctement, sans incident majeur, parce qu’en fait les "petits arrangements" avaient eu lieu avant. Les deux principaux rivaux de Macky Sall avaient tous les deux été empêchés de se présenter, pour des raisons "judiciaires" : Karim Wade, le fils de l’ancien président, et surtout Khalifa Sall, l’ancien maire de Dakar. Ce dernier est en prison depuis deux ans pour "détournement de fonds publics". Sauf que Amnesty International voit dans sa condamnation "un acharnement judiciaire pour des raisons politiques". Beaucoup pensent que Macky Sall aurait été battu à la présidentielle par Khalifa Sall. Précisons que les deux hommes sont des homonymes, mais n’ont en fait aucun rapport l’un avec l’autre. Et la suite vaut son pesant : maintenant qu’il est réélu, Macky Sall semble sur le point de gracier son rival, après-demain, jour de la fête de l’indépendance au Sénégal, qui est traditionnellement l’occasion d’une série de mesures de grâce. C’est adroit. Ça permettrait au président de redorer son blason, dans un pays où la démocratie est vivace : le Sénégal est le seul pays d’Afrique de l’Ouest à avoir connu des alternances politiques pacifiques. Mais ça laisse quand même une drôle d’impression, un parfum de combine, où le pouvoir politique a la main sur le pouvoir judiciaire.
La population profite peu de la croissance économique
L’autre grand enjeu pour le président, c’est la pauvreté : le sujet, comme dans plein de pays, c’est la répartition de la richesse. L’économie est en plein boom : 7% de croissance, plus de 700 projets d’infrastructure en cours (des routes, des gares, des stades, des lignes de chemin de fer), et des réserves de pétrole et de gaz récemment découvertes. L’exploitation débutera dans deux ans. Mais la moitié de la population vit toujours sous le seuil de pauvreté, le système de santé reste très déficient, et les manques en personnel qualifié (en techniciens, en ingénieurs) sont flagrants. Le président sénégalais, s’il veut rétablir une forme d’unité nationale, a donc du pain sur la planche.
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