Les Émirats arabes unis placent un patron de compagnie pétrolière à la tête de la COP 28 sur le climat
"C'est pire que de mettre le renard dans le poulailler." Voilà la réaction de l'une des responsables de l'ONG Action Aid. Toutes les associations de lutte contre le réchauffement climatique expriment leur sidération, même si cette décision était pressentie depuis plusieurs jours. Le sultan Ahmed Al Jaber, c'est son nom, possède en fait deux casquettes. D'une part, il est "ministre de l'industrie et de l'avancement technologique" des Émirats arabes unis, ce pays de dix millions d'habitants qui a donc été désigné pour accueillir la prochaine conférence sur le climat.
Rien de surprenant à ce stade, la présidence de la COP est tournante et c'est le tour de l'Asie, dont le Moyen-Orient fait partie. Seulement voilà, cet homme de 49 ans, ingénieur de formation, est aussi, d'autre part, le PDG de la compagnie ADNOC, autrement dit la compagnie pétrolière d'Abu Dhabi, la capitale politique des Émirats. Donc là forcément ça interpelle. Un patron du pétrole pour diriger une instance, la COP, censée limiter le recours au pétrole, c'est plus que paradoxal. "Un conflit d'intérêt scandaleux", explique une autre ONG, Climate Action Network.
7e producteur de pétrole au monde
Il faut dire que les Émirats arabes unis sont l'un des géants des énergies fossiles, du gaz et plus encore du pétrole. Il est le 7e producteur mondial de pétrole. C'est aussi un très mauvais élève dans la lutte contre le réchauffement climatique : 4e plus gros émetteur de CO2 au monde, quand on rapporte les émissions au nombre d'habitants. Plus de 20 tonnes par an et par personne, c'est cinq fois plus que la France. Seuls le Qatar, le Koweït, et le Sultanat de Bruneï font pire que les Émirats arabes unis. Cela va plus loin, les Émirats assument leur volonté de continuer à investir dans le pétrole au moins jusqu'en 2030 : 600 milliards de dollars d'investissement annoncés. Et pour cause, c'est la clé de leur richesse. Les Émirats ont aussi la réputation d'être le pays qui envoie traditionnellement le plus grand nombre de lobbyistes pro-énergies fossiles, dans les réunions de la COP. Ils sont d'ailleurs les promoteurs d'une stratégie d'innovation technologique pour capter le CO2 plutôt que d'une stratégie de baisse des émissions, ce qui parait pourtant indispensable. Tout ça envoie un signal inquiétant, alors que la dernière COP, en Egypte, n'est pas parvenue à un accord sur une nouvelle réduction des émissions.
L'ambition des Émirats de devenir neutres en CO2 en 2050
Il demeure malgré tout quelques signaux moins négatifs. D'abord, Al Jaber et les Émirats ont beau être des symboles du pétrole, ils investissent aussi de plus en plus dans les énergies renouvelables avec un objectif ambitieux : la neutralité en CO2 d'ici 2050. Ils développent donc beaucoup dans le solaire et l'hydrogène. Al Jaber a fondé une société pionnière en la matière, Masdar, l'un des premiers investisseurs mondiaux dans le secteur. Les Émirats ont beau vivre du pétrole, ils sont aussi aux premières loges du réchauffement climatique : les températures pourraient régulièrement dépasser les 50° C dans cette région du monde. Ensuite, Al Jaber ne décidera pas de tout lors de cette COP28, du 30 novembre au 12 décembre 2023. Il va de soi que l'issue des négociations dépendra beaucoup des grands pays, les Occidentaux, l'Inde et la Chine.
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