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Le Québec en pleine controverse sur la laïcité

Le Parlement de la "Belle Province" entame l'examen d'un projet de loi controversé sur le port de signes religieux par les fonctionnaires.

Article rédigé par franceinfo - Jean-Marc Four
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
L'Assemblée nationale du Québec, en juin 2018.  (ALICE CHICHE / AFP)

C'est une controverse que l’on connait bien en France. Le nouveau gouvernement du Québec vient jeudi 28 mars de déposer un projet de loi sur la laïcité de l’État. Là où c’est assez différent de chez nous, c’est que ce texte porte exclusivement sur le port de signes religieux par les fonctionnaires. Il ne concerne absolument pas monsieur ou madame tout le monde.

Au Québec, la législation est devenue très confuse sur le sujet de la laïcité. Pas moins de 11 textes différents et parfois contradictoires sont en place. Sans compter que la justice s’en mêle régulièrement. C’est d’ailleurs la Cour Suprême du Québec qui avait mis le feu aux poudres il y a 12 ans en autorisant le port du turban sikh.

"Accommodements raisonnables" et "clause grand-père"

Au Québec, on appelle toutes ces dispositions sur les signes religieux, "les accommodements raisonnables". Avec ce texte, le port de signes religieux deviendrait interdit pour tous les enseignants du primaire et du secondaire, pour tous les directeurs d’école, et pour tous les agents "en position d’autorité" comme les policiers, les juges, les gardiens de prison, etc. Mais il y aurait des dérogations, par exemple pour les éducateurs. Et peut-être aussi la préservation des droits acquis : un fonctionnaire qui porte déjà le voile aujourd’hui, avant la loi, en conserverait la possibilité. Les Québécois appellent ça "la clause grand père" !  

L'immigration en toile de fond

Ce projet de loi était un engagement du nouveau gouvernement élu en septembre dernier. Les débats seront sans doute agités à l’Assemblée, mais le texte devrait quand même passer sans trop de difficultés, d’autant que selon les enquêtes d’opinion, il est soutenu par les deux tiers des huit millions et demi de Québécois.   Ce serait un succès politique pour la CAQ, la Coalition Avenir Québec, au pouvoir, vu que tous les gouvernements précédents ont échoué à faire adopter un texte sur le sujet. L’enjeu symbolique dépasse de beaucoup la question des signes religieux des fonctionnaires. Il s’agit d’envoyer un signal sur "l’identité québécoise", sur fond de débat autour de l’immigration. Le nouveau premier ministre, François Legault avait fait campagne, à l’automne dernier, sur la limitation des quotas d’immigration. 

Vers des recours judiciaires

Cela dit, même si le texte est adopté, il faut s’attendre à des suites judiciaires. De nombreux organismes menacent déjà de recours devant les tribunaux, voire devant la Cour Suprême. Plusieurs syndicats d’enseignants y voient une atteinte à la liberté religieuse. Plusieurs mouvements confessionnels, notamment les organisations juives, sont très opposés au texte. Même chose pour la principale association de défense des droits de l’homme qui dénonce une forme de stigmatisation des Musulmans, même si le projet de loi porte sur tous les signes religieux : le voile mais aussi, la croix, la kippa, le turban. Enfin, pour l’anecdote, sachez que ce débat fait ressurgir une polémique très connue au Québec : celle sur le crucifix de l’Assemblée. Dans l’un des principaux salons du Parlement, il y a en effet un crucifix depuis 80 ans. Et de nombreux élus estiment que désormais, il faut aussi l’enlever, pour être cohérent.    

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