Le Comité international de la Croix-Rouge critiqué pour sa volonté de neutralité en Ukraine
Alors que le nombre d’Ukrainiens à avoir quitté leur pays dépasse désormais les quatre millions, l’une des plus grandes institutions d’aide humanitaire, le CICR se voit accusé de complaisance vis-à-vis de Moscou. Des soupçons en grande partie injustifiés.
Les reporters de Radio France présents sur le terrain en Ukraine le confirment : le CICR, le Comité international de la Croix-Rouge est vivement critiqué par les Ukrainiens, montré du doigt pour sa volonté de travailler aussi avec Moscou. Depuis le 27 mars, une pétition a été lancée en Ukraine, sous forme d’une lettre d’interpellation au patron du CICR Peter Maurer. Plus de 3 600 personnes ont signé ce texte, dont plusieurs dirigeants ukrainiens. La commission des droits de l’homme du Parlement de Kiev a également publié un communiqué très critique.
Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est le déplacement de Peter Maurer à Moscou le 23 mars, pour rencontrer le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov. La photo de la poignée de main des deux hommes a fait le tour des réseaux sociaux. Et depuis les critiques pleuvent. Le CICR se voit reprocher par les Ukrainiens de vouloir ouvrir un bureau à Rostov sur le Don, du côté russe de la frontière. De légitimer et d’accompagner le déplacement, voire "la déportation" en Russie de civils ukrainiens. De privilégier l’utilisation du mot "conflit" plutôt que le mot guerre. Et surtout d’avoir quitté, laissé tomber, la ville martyre de Marioupol. Certains utilisateurs des réseaux sociaux vont même jusqu’à affubler le sigle du CICR d’une croix gammée.
Une poignée de main controversée
Pour l’essentiel, ces critiques ne sont pas justifiées. Il y a beaucoup de désinformation là-dedans, accentuée comme toujours par la mécanique des réseaux sociaux. Et il y a surtout de l’incompréhension vis-à-vis de ce qu’est le Comité international de la Croix-Rouge. Son rôle, contrairement aux Croix-Rouge de chaque pays, c’est de maintenir une certaine neutralité, de parler à tout le monde pour préserver des canaux d’échange, et d’apporter une assistance humanitaire à tout civil menacé, quel qu’il soit. Mais la notion de neutralité est toujours difficile à expliquer en plein conflit. Le CICR répond aussi aux critiques qui lui sont adressées. Il certifie n’avoir aucune intention de créer un camp de réfugiés à Rostov en Russie, et ne participer aucunement au moindre processus de déportation. Il rappelle aussi posséder toujours 800 personnes sur le terrain en Ukraine, avoir déjà distribué 500 tonnes d’aide aux civils. Et son président Peter Maurer précise s’être rendu évidemment à Kiev avant que d’aller à Moscou. La crainte du CICR, c’est désormais que ces critiques aient un impact sur le travail de terrain de ses équipes.
Le départ controversé de Marioupol
Reste la question spécifique du départ de Marioupol : c’est sans doute l’accusation la plus embarrassante pour le Comité international de la Croix-Rouge. Vu la tragédie que connait cette ville du Sud-Est du pays, cible de destructions incessantes, on s’attendrait à ce que le CICR soit toujours présent. Mais il est donc parti depuis deux semaines. Pour plusieurs raisons : ses stocks sur place étaient épuisés, les tentatives d’évacuation de civils avaient échoué. Et la délégation du CICR sur place était composée d’Ukrainiens, qui avaient été rejoints par leurs familles cherchant refuge dans les locaux de la Croix-Rouge. Le choix a donc été fait de mettre tout le monde à l’abri en partant. Le CICR affirme désormais vouloir retourner à Marioupol où se trouvent encore près de 100 000 habitants sous les bombes. Une tâche évidemment très compliquée.
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