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L’homme le plus puissant du Liban, le gouverneur de la Banque centrale Riad Salamé convoqué devant la justice

Ce pays du Proche-Orient est toujours économiquement au fond du trou. Et c’est dans ce contexte que le gouverneur de la Banque centrale va devoir répondre de graves accusations devant plusieurs enquêteurs européens.  

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Le gouverneur de la Banque centrale du Liban, Riad Salamé lors d'une conférence de presse au siège de la banque, le 11 novembre 2019. (STRINGER / DPA)

Blanchiment d’argent, escroquerie, recel, enrichissement illicite. Voilà un florilège des soupçons qui pèsent sur cet homme souvent présenté comme le plus puissant du pays. Il faut dire que Riad Salamé, dirige la Banque centrale du Liban, la BDL comme tout le monde l’appelle là-bas, depuis 30 ans ! "Il tient tout le monde, dit un diplomate européen, c’est lui le vrai président, son départ est la priorité pour assainir le système." Les mots sont sans détour parce que les soupçons sont forts. Plusieurs enquêtes sont ouvertes, au Liban et en Europe. Et la justice libanaise a décidé de décaler sa propre procédure pour laisser travailler en priorité les juges européens : français, allemand, luxembourgeois. Tous sont à Beyrouth pour interroger Salamé mercredi 15 mars au matin.

Riad Salamé et son frère Raja, également convoqué, sont soupçonnés de mouvements de fond illicites vers des paradis fiscaux, en Suisse, dans les îles Vierges: plus de 330 millions d’euros au total qui ont conduit à de gros investissements immobiliers à Paris, à Monaco, à Bruxelles, à Luxembourg, à Munich, à Hambourg. Les enquêteurs européens sont déjà venus au Liban il y a deux mois. Ils avaient alors interrogé plusieurs banquiers privés, mais cette fois, ils ont donc convoqué le principal suspect.  

Une fortune colossale suspecte et une posture de bouc émissaire

Face à ces accusations, Riad Salamé nie en bloc. Il affirme que ces mouvements bancaires ne concernent pas des fonds publics mais sa fortune privée, une fortune estimée à l’origine à plus de 20 millions d’euros et qu’il affirme avoir fait fructifier. Riad Salamé s’estime également victime d’une cabale et de règlements de comptes politiques ; il est très lié à la famille Hariri, et en très mauvais termes avec le clan Aoun. Il est certain en tout cas que Riad Salamé connait tout des affaires, pour ne pas dire des magouilles de la classe politique libanaise. Et son éviction pourrait aussi permettre d’écarter un homme qui sait trop de choses: une sorte de bouc émissaire, un arbre qui cache la forêt.

Une inflation de 330%

Ces mouvements de fond et cette fortune du banquier central libanais choquent d’autant plus que le pays est au fond du gouffre. Cela va même plus loin: le Liban continue de creuser son propre gouffre et de s’enfoncer. Par exemple le niveau de la monnaie, la livre libanaise plonge de plus en plus. Au marché noir, il faut désormais 100.000 livres pour un dollar. Il y a six mois, c’était 35.000. Et jusqu’à récemment, le cours officiel c’était 1500. 60 fois moins ! Le chômage atteint 30%, la pauvreté a doublé en deux ans, le taux d’inflation est de 330%. C’est le plus élevé au monde ! Les petits épargnants ont porté plainte devant la justice pour récupérer leurs économies bloquées dans les banques. Mais les banques refusent. Elles sont même depuis le 14 mars en grève illimitée pour s’opposer aux décisions de justice qui cherchent à saisir les fonds des gros épargnants et des directeurs d’établissements bancaires. Si on ajoute que le Liban est toujours dans l’impasse politique et n’a plus de président depuis cinq mois, on a une idée de la catastrophe. Et on comprend pourquoi la fortune de Riad Salamé apparait indécente aux yeux d’une bonne partie des sept millions de Libanais.  

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