L'Eglise polonaise dans la tourmente après la sortie d'un film choc sur la pédophilie
Tous les jours, dans "Un monde d’avance", un coup de projecteur sur une actualité à l’étranger restée "sous les radars" et qui pourrait nous échapper. Aujourd’hui, un film qui dénonce notamment la pédophilie au sein de l'église catholique.
Ça s’appelle faire un carton au box office ! En moins de deux semaines depuis sa sortie fin septembre, le film Kler a été vu en Pologne par plus de 3 millions de personnes, soit près d’un Polonais sur 10. C’est un chiffre record depuis plus de 30 ans au cinéma en Pologne. Le film est en passe de devenir le plus grand succès commercial de l’histoire du cinéma dans le pays.
Kler (traduction littérale : Le clergé), dénonce sans détours les dérives d’une partie de l’Eglise catholique en Pologne. Le film est centré sur trois personnages : le premier, alcoolique, couche avec une femme et lui demande d’avorter ; le deuxième abuse d’un petit garçon ; le troisième est un évêque corrompu spécialiste des pots de vin. Et le tout est basé sur des faits réels : la fiction est entrecoupée de témoignages des victimes. Le réalisateur, Wojciech Smarzowski, est un cinéaste reconnu en Pologne, familier des controverses. Et le moins que l’on puisse dire c’est que ce film divise la société polonaise.
La libération de la parole des victimes de l'Eglise
En fait le pays est quasiment coupé en deux. D’un côté, le succès du film favorise la libération de la parole, en particulier parmi les victimes de pédophilie. Une fondation qui s’appelle « N’ayez pas peur », vient de mettre en ligne une carte interactive de la Pologne où sont recensés tous les cas de pédophilie dans l’Eglise : déjà 300 cas répertoriés en quelques jours. Et dans le même temps, une décision de justice, à Poznan, dans le Nord-Ouest du pays, vient de donner raison à une plaignante qui réclamait des dommages et intérêts pour avoir été violée à de multiples reprises par un prêtre alors qu’elle avait 13 ans.
La riposte du clergé conservateur
Mais en face, la hiérarchie catholique contre-attaque. Le film fait l’objet d’interdictions dans certains cinémas. La télévision nationale a censuré la retransmission en direct d’un festival de cinéma où le film pouvait être récompensé. Et un journal de la droite conservatrice au pouvoir, Gazeta Polska, a fait diffuser des affiches qui défendent l’Eglise, avec le slogan suivant : "Le clergé nous défend contre le nazisme, le communisme, l’islamisme… et les homosexuels".
Le pays le plus catholique au monde
L’enjeu est d’autant plus fort que l’Eglise catholique est très puissante en Pologne. C'est le pays le plus catholique au monde, pas en valeur absolue mais en proportion : plus de 90% de la population se revendique catholique. Et plus de 40% des Polonais vont à la messe chaque dimanche. Cela est dû en partie au rôle de résistance qu’a joué l’Eglise sous le communisme, et au symbole que demeure l’ancien pape Jean-Paul II. En plus, l’Eglise est très liée au pouvoir en place : le parti ultraconservateur Droit et Justice, qui dirige la Pologne, est soutenu par le clergé, qui espère d’ailleurs obtenir une interdiction de l’avortement. Mais le succès de ce film pourrait remettre en cause la légitimité de l’Eglise. L’enjeu n’est donc pas qu’une histoire de box-office commercial : c’est un enjeu hautement politique.
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